A la recherche du capitaine perdu

A la recherche
du capitaine perdu

PV Matthew Kian

Les quais. C'était sans doute l'endroit le plus animé de la ville. Les cris des marchands, les chevrotements tremblants des chèvres qui passaient de bras en bras, les entrechoquements des marchandises retentissaient de toute part et envahissaient l'espace. L'activité du port ne semblait s'éteindre qu'à la nuit tombée, quand les marins regagnaient leur bâtiment ou allait se désaltérer à la taverne après une dure journée. Kingston avait vu, peu à peu, le nombre de navires amarrés à son port s'accroître ; le gouverneur ne s'était d'ailleurs pas privé d'augmenter la taxe d'amarrage... Année après année, ceux-ci se faisaient de plus en plus nombreux et venaient de partout. La majorité provenait directement d'Angleterre, Kingston étant leur première escale après des semaines de solitude sur l'océan. D'autres, arrivaient du Mexique ou de la côte de ce qu'on appelait l'Amérique. Il y avait aussi ces navires uniques en leur genre, écumants les océans, qu'on faisait passer pour des navires marchands, mais dont les cales étaient, en réalité, rempli des plus pures merveilles qui puissent exister... Ces derniers navires mouillaient légèrement au large, leurs équipages débarquant grâce aux chaloupes. Et enfin, il existait les plus prestigieux vaisseaux de la Marine Royale, jalousement gardés par les soldats aux services de Sa Majestée. Tout ce petit monde se fréquentait, se heurtait, marchandait... Et c'était ainsi tous les jours de la semaine, sans aucune exception.

Eli avait obtenu de ses maîtres une permission pour la journée. C'était exceptionnel, mais sans doute en avaient-ils assez de ses maladresses et s'offraient une journée de répit. Comme toujours quand elle avait du temps libre, la jeune femme avait marché jusqu'au port, un sentiment d'allégresse et de liberté au creux de ses entrailles. Les simples reflues provenant de l'océan suffisait à éveiller son bonheur. Si sa vie n'était pas celle dont elle avait rêvé en quittant Londres, elle avait tout de même accès à la plus merveilleuse des merveilles terrestre. L'eau, la mer... Et cette mer ! Elle était loin d'être celle qu'elle avait connu en Angleterre. Ici, l'eau était claire, d'un étrange bleu turquoise et scintillait sous un soleil de plomb. Eli longea silencieusement le quai, évitant agilement les allées venues des marins pressés par le temps. Enfin, elle s'assis, remmena un genou contre sa poitrine et laissa son autre jambe pendre nonchalamment dans le vide. Son regard se perdit alors dans les eaux profondes juste en dessous d'elle. Durant toute l'année précédente, elle s'était intéressée aux faits et gestes des marins s'activant dans le port, à leur langage et aux termes qu'ils employaient. Consciencieusement, elle avait intégré ces mots et ces gestes. Ce n'était pas aussi bien que la pratique, mais au moins, elle serait prête à embarquer le moment venu... Et puis il y avait Matt. Matt qui lui avait appris bien des choses. Matt qu'elle commençait à bien connaître. D'ailleurs où était-il celui-là ? Habituellement, il arpentait les quais, élaborant des plans tout aussi foireux les uns que les autres pour s'approprier un navire... Cet homme était extraordinaire, jamais il ne perdait espoir. Et malgré plusieurs échecs cuisants, il s'entêtait. C'était sans doute cet entêtement qui avait plût à Eli au premier abord. Elle avait vu en lui l'opportunité d'accomplir son rêve le plus cher. Elle avait trouvé son capitaine. Il ne restait plus qu'à trouver le bateau !

La jeune femme se surpris à chercher l'homme du regard. C'était étrange qu'il ne soit pas dans les parages. Sans doute s'était-il éterniser dans une auberge en compagnie d'une quelconque jeune femme qui aurait cédé à son charme sans limite. Cette dernière hypothèse était très probable. A cette pensée, Eli ressentit un profond sentiment de jalousie. Elle était ainsi... S'étant beaucoup rapproché du pirate, elle ne pouvait s'empêcher d'éprouver une certaine possessivité à son égard. Ca, doublé du fait qu'il lui était impossible de lui dévoiler sa féminité sans risquer de voir ses espérances réduites à néant. Du moins était-ce qu'elle croyait. Elle n'avait jamais ressenti le besoin de confier son secret à qui que ce soit, sa double personnalité lui convenait à merveille. Mais avec Matt, c'était différent. Peut-être n'était-elle pas si indifférente à son charme finalement. Mais cela, jamais elle ne l'admettrait. Elle devrait se contenter de ce qu'elle avait : un capitaine unique en son genre !

Quelques rayons de soleil passaient à travers les rideaux blanc et sales installaient devant la fenêtre. Matthew ouvrit un œil et le referma aussi vite aveuglé par tant de luminosité. Finalement il ouvrit ses deux yeux bleus foncés doucement. Si le soleil était déjà si haut dans le ciel, cela voulait dire qu’il était largement temps de se réveiller. La vie appartient à ceux qui se lèvent tôt. Enfin, plus ou moins tôt et Matt avait un bateau à trouver. Un capitaine digne de ce nom ne restait pas au port. Il tenta de se redresser mais son bras était bloqué par un poids. Il regarda d’où venait la gêne et vit une belle jeune femme allongée dessus. Il sourit en coin, amusé. Il n’était même pas sur de se souvenir de son prénom…Enfin, bref. Doucement, il la fit rouler sur le coté et, son bras libéré, il se levait en s’étirant de tout son long. Il survola la pièce du regard avant de se promener dedans pour récupérer ses vêtements. Habiller, il attacha son bandana sur sa tête au moment où la femme se réveilla à son tour. Il lui envoya un baiser de loin avec un clin d’œil avant de disparaître derrière la porte.

En dehors de l’appartement, les bruits parvinrent avec plus de puissance à ses oreilles. Le bruit d’un port en action. C’était un bon bruit pour se réveiller et ça lui indiquait par la même occasion qu’il n’était pas loin du port, justement. Il descendit les escaliers, sans oublier un petit salut à la femme qui balayait le sol à l’entrée. Elle grommela quelque chose d’incompréhensible et il disparut dans la rue. Deux secondes plus tard, il était de nouveau à l’intérieur.

« J’ai oublié mon chapeau »

Il remonta et entra doucement dans la pièce. Son chapeau était accroché à l’angle d’une armoire qui était proche de la porte. Il l’attrapa avec un petit sourire en coin et repartit pour de bon. La fille avait semblé amusée de le voir rentrer de nouveau mais la femme en bas ne fit qu’émettre un gros soufflement, se demandant surement combien de fois il comptait monter ses escaliers et faire tomber de la sciure en même temps. Heureusement pour elle, c’était bel et bien la dernière fois, de la journée du moins.

Se glissant dans la foule, il disparut totalement. Enfin, Matt ne passait jamais vraiment inaperçu étant donné que ce n’était pas lui qui se dégageait du chemin mais les autres. Il failli ainsi se prendre un énorme sac rempli de pomme de terre. Une nouvelle mode que de manger ses légumes. Merci à ses réflexes, il l’évita de justesse. Continuant son bout de chemin, il atteint finalement le vrai port, là où se trouvaient les bateaux. Il se mit à arpenter les quais observant les navires. Il monta même dans l’un d’eux et se fit sauvagement jeté dehors par un couple qui semblait bien occupé dès le matin. Il descendit du bateau en riant et s’excusant de les avoir dérangés. C’est à ce moment qu’il reconnu une silhouette familière assise seule. Il sourit et fit un grand signe vers Eli, puisqu’il s’agissait de lui. Il ne semblait pas le voir, du coup Matthew, monta sur un autre bateau et se promenant sur ses navires n’étant pas en sa possession, il atteint son but. Il arriva même au-dessus du but et lui lança un petit bout de bois. En plein dans le mille ! Le projectile rebondit sur la tête de son ami qui se tourna pour voir d’où cela venait. Matt, un grand sourire aux lèvres, l’attendait en faisant « coucou » puis descendit du mât où il était monté pour sauter près du jeune garçon.

« Quel bon vent t’amène au port, Eli ? Ca fait un petit bout de temps que je ne t’ai pas vu. Tu n’aurais pas trouvé un bateau par hasard ? »

Il demandait cela comme si Eli allait lui sortir un bateau de sa poche ou lui montrait celui duquel il venait de descendre en disant « C’est le mien, tu peux l’avoir si tu veux ». Il ne fallait pas rêver mais l’espoir fait vivre.

Eli était en plein déni à l'égard de ses propres sentiments ; tentant intérieurement de se convaincre que ce qu'elle ressentait pour Matt n'était que le fruit de son imagination et le besoin qu'elle avait de s'attacher à quelqu'un. Des années durant, elle s'était trouvée très entouré : ses professeurs, les intendants, ses frères... Kingston lui avait fait découvrir la solitude. Solitude à laquelle elle avait prit goût très facilement. Pourtant, à ce moment précis, elle avait besoin de croire qu'elle s'attachait à Matt uniquement parce que ses frères lui manquaient. Chose très improbable d'ailleurs ; mais cette idée était, de loin, bien plus alléchante et réconfortante. La jeune femme s'était forcée de quitter l'agitation du quai des yeux pour replonger son regard dans l'océan. De toute évidence, Matthew avait déserté le port et il ne semblait pas vouloir réapparaître. Résignée, elle poussa un long soupir et se laissa aller à son imagination sans limite.

Soudain, "quelque chose" lui atterri sur le sommet du crâne. Perdue dans ses pensées, Eli sursauta et regarda un petit morceau de bois dégringoler le long de sa poitrine et s'écraser sur le sol. A la fois curieuse et étonnée, la jeune femme leva les yeux et pencha la tête en arrière, se demandant d'où pouvait bien venir ce petit bâton. Matt. Ce dernier était perché au sommet du mât d'un bateau de la marine royale. Eli ne montra pas sa surprise, elle savait que cet homme était le Dieu des entrées fracassantes ! Il était impossible de le rater ; il se débrouillait toujours pour que son comportement diffère de celui du commun des mortels. D'ailleurs, il s'en sortait à merveille. Oui, si Matt était une "quiche" pour dénicher les navires, il était en revanche très doué pour se faire remarquer et surprendre son entourage. Eli n'était pas quelqu'un de très démonstratif. Et, bien que son coeur se soit emballé à la vision de son ami, elle se contenta de lui lancer un franc sourire et se résigna à se comporter comme un parfait petit monsieur, comme toujours. Dans le cas contraire, sans doute aurait-elle sauté sur ses pieds et se serait jetée sur lui pour le serrer dans ses bras. Mais non, elle n'était pas Elizabeth la petite effrontée joyeuse et téméraire ! Elle n'était qu'Eli, le garçon calme et posé qui avait prit pour habitude de suivre Matt comme son ombre. Eli s'en contentait, mais Elizabeth bouillait intérieurement, rêvant de lui prouver sa vrai valeur.

Le pirate atterri gracieusement aux côtés de la jeune femme qui se releva. Elle était si heureuse de le revoir. Il était vrai qu'elle ne l'avait pas croisé de la semaine. Habituellement, ils se retrouvaient chaque soir à la taverne pour partager alcool et bagarre. Mais Eli était débordée depuis quelques temps et les rares fois où elle s'était pointée à la taverne, Matt n'y était pas. Ce n'était que maintenant qu'elle retrouvait son sourire et son regard pétillant de malice qu'Eli comprenait à quel point il lui avait manqué. A présent, il était bien là. Sans même chercher à cacher sa vrai nature, il était vêtu comme un pirate et arborait majestueusement son magnifique tricorne. Jamais il ne perdait de sa prestance, même lorsqu'il sortait les plus incroyables bêtises ! C'est d'ailleurs ce qu'il ne tarda pas à faire ; engageant la conversation à sa manière. Je vous l'ai dit : unique en son genre ! Aux paroles du pirate, Eli ne pu retenir un petit rire au fond de sa gorge. Puis, se reprenant soudain, elle lui lança ironiquement.

Eli : « Mais bien sûr mon cher Matt ! J'en ai caché un dans mes bas !

Eli lança à son capitaine un regard pétillant dans lequel quiconque aurait pu lire la joie qu'elle avait de le retrouver. Puis, reprenant un semblant de sérieux, elle ajouta, sans pour autant se défaire de ce ton légèrement sarcastique qu'elle avait emprunté précédemment.

Eli : « Non, en fait je ne voulais pas te priver de la joie que tu éprouves à chaque fois que tu viens m'éblouir avec un projet aussi sensationnel qu'improbable afin de dénicher un navire. Vraiment, la ténacité avec laquelle tu m'exposes tes idées est purement délectable ! Elle lui lança un nouveau sourire, amusé cette fois, puis elle demanda enfin. Allons Matt, quel plan audacieux as-tu à me proposer aujourd'hui ?

Un sourire satisfait s’affichait sur les lèvres. Non pas qu’il croyait à la réponse du garçon en face de lui mais il trouvait amusant que l’on entre dans son jeu d’ironie. La lueur de joie qui illuminait le regard d’Eli prouvait à Matt qu’il avait vraiment à faire à une personne qui l’appréciait. Il avait tout à fait confiance en Eli, bien que ce dernier ne soit pas au courant de son passé. D’ailleurs, Matt n’était pas au courant du sien. Un compromis fait en silence ? Peut-être mais en tout cas, cela ne gêne nullement leur relation amicale.

La suite de ses paroles le fit bien rire. Il était vrai qu’il avait toujours des idées farfelues, qui ne fonctionnaient pas toujours mais bon… Ca l’amusait et c’était ce qui comptait. Tant qu’il profitait de sa vie de pirate tout allé bien. Il eut un petit sourire en coin quelque peu mystérieux avant de se remettre à parler :

« Et bien… Je n’ai pas encore réfléchi. Il faut que je trouve un bateau puis l’idée viendra… Mais ! Avant toute chose ! Allons manger ! »

Tout à fait son style de passer du coq à l’âne sans véritable lien logique. Dans sa tête, c’était tout à fait logique. Il avait faim alors il devait manger. Rien de plus simple. Il se mit à fouiller les poches de son pantalon en toile frénétiquement. Un petit sourire de satisfaction s’afficha lorsqu’il sentit la sensation du métal contre la peau de ses doigts. Le métal n’était pas froid, il avait passé la nuit dans le pantalon en même temps, mais cette sensation était reconnaissable. Il sortit deux pièces de sa poche, les gardant au creux de sa paume. La main tournée vers le ciel, il dit en riant.

« Il serait temps de se remplir les poches à nouveau ! »

Facile. Plus d’argent ? Allons piller et le problème sera réglé. Enfin, là, il ne comptait pas aller piller mais prendre quelques bijoux sur des bourgeois un peu trop couverts à son gout. Il fit un clin d’œil à Eli et se faufila dans la foule. Ses mains étaient à l’affut.

Boom. Il rentrait dans une grosse femme, prenant son bracelet au passage et la couvrit de mille excuses. C’était déjà ça de pris. Une autre femme, jeune, regardait l’océan perdue dans ses pensées. Il approcha derrière elle et décrocha ses boucles d’oreille sans même qu’elle ne le remarque. Un doitée léger et précis, et hop ! Il les glissa dans sa poche et revint vers Eli.

« Je pense que ça suffira pour aujourd’hui. Viens, ces charmantes jeunes femmes nous invitent à manger ! »

Il rit en partant en direction d’un restaurant … de pirate où on pouvait payer en troquant des objets sans se faire accuser de voleur. Il entraina son ami dans la masse humaine avant de s’en détacher pour une petite ruelle.

« Il faut que je trouve des femmes qui font à manger au réveil maintenant. Ca serait plus économique ! »

Il souriait content de son idée et entra dans le lieu plutôt sombre. Les gens les regardèrent entrer et Matthew leur fit un petit signe de tête pour dire bonjour puis il s’assit à une table pour deux. L’homme vint vers eux pour leur demander ce qu’il voulait et Matt sortit une des boucles d’oreille demandant ce qu’il pouvait avoir pour ça. L’homme lui répondit que ce n’était pas suffisant pour deux. Matt s’indigna :

« Comment ? Une merveille pareille ? Regarde de plus près ! C’est de l’or, du vrai mais surtout ce diamant ! Il est rarissime, je t’assure ! »

Bien évidemment cela ne servait qu’à amadouer le serveur pour payer moins…

Eli appréciait vraiment la complicité qu'elle partageait avec le pirate. Avec lui, c'était facile. Facile de parler, de se comprendre, de rire et de sourire... Choses que la jeune femme faisait d'habitude avec plus de difficultés. Pourtant, Matt ne se comportait pas de cette manière avec tout le monde. Elizabeth le voyait souvent très provocateur avec ses pairs, beaucoup moins agréable. Avec Eli, c'était différent. Il semblait franc et il lui arrivait même d'écouter ses conseils ! Les écouter, pas les suivre. La jeune Quinn rêvait d'en connaître plus sur ce pirate, découvrir ce qui l'avait poussé à la piraterie, savoir où il avait grandi et où il avait appris à manier la lame. Mais elle s'interdisait toute question, sachant pertinemment que si elle s'aventurait sur les voies de la curiosité, Matt ne se priverait pas d'en faire autant. Et, bien sûr, il était hors de question pour Eli d'étaler son passé. Et ce, pas uniquement à cause de sa féminité ; elle ne voulait pas que l'homme apprenne ses origines aisées ; pas une seconde elle ne se doutait que Matthew n'était pas un matelot né et que lui aussi fuyait ses origines comme la peste. Elizabeth taisait donc sa curiosité grandissante, refusant de prendre le moindre risque et de se trouver obligée à la confession.

Un petit sourire amusé ne quittait plus le coin des lèvres d'Eli. La réponse du pirate ne se fit pas attendre, aussi décalée que l'était le personnage. Il semblait que Matt se refusait toute logique. Au lieu de réfléchir à un plan afin de trouver un navire, il préférait trouver le navire, puis réfléchir au plan. La jeune femme se contenta de lever légèrement les yeux au ciel et s'interdit tout commentaire. Le pirate avait sa propre logique ; ce qui n'avait aucun sens pour la majorité de la population était pour lui, claire comme de l'eau de roche. De son côté, Eli essayait parfois de se mettre à la place de son ami, de réfléchir comme lui... En vain ! Mais peu importait : elle lui faisait aveuglement confiance et savait que tôt ou tard, ils se retrouveraient tous les deux sur les eaux mouvementées de l'océan et accompliraient leur destiné. Ce n'était qu'une question de jours... ou peut-être de semaines. Oui bon d'accord, ce n'était qu'une question de mois ! Finalement, Matt proposa d'aller manger un brin. Eli acquiesça d'un simple mouvement de tête, habituée aux sautes d'humeur de son compagnon.

Bientôt, Elizabeth observa Matt se remplir les poches sur le dos de la foule présente sur le quais. Ce n'était pas la première fois qu'il agissait de la sorte devant la jeune femme, mais cette dernière ne pouvait s'empêcher de le regarder avec une certaine admiration à chaque fois qu'il faisait ses tours de passe-passe. Il se débrouillait à merveille ! Effleurant, bousculant la bourgeoisie de Kingston, il se remplissait allègrement les poches ; et pas une fois il ne s'était fait prendre ! La seule et unique fois ou Eli s'était risquée à agir de manière semblable, elle s'était retrouvée avec deux gardes de la marine royale sur les talons. Elle s'en était sortie uniquement grâce à sa connaissance des rues de la ville portuaire. Sans quoi, sans doute serait-elle derrière les barreaux ! Pour Matt, s'était comme une seconde nature. Il était né pour voler, c'était indéniable. Finalement, l'homme retourna auprès de la jeune Quinn, fier de lui. Les deux compères disparurent bientôt dans la foule...

Matt : « Il faut que je trouve des femmes qui font à manger au réveil maintenant. Ca serait plus économique !

Matthew avait lancé cette phrase sur le ton de la plaisanterie, mais Eli déglutit avec une certaine difficulté. Il lui était déjà difficile de contrôler sa jalousie maladive, mais voilà que le pirate s'amusait à faire allusion à ses nuits de folie ! Pas une seule seconde il ne pouvait imaginer à quel point cela blessait Elizabeth. Cette dernière ne pouvait d'ailleurs pas lui en vouloir. Pour lui, elle n'était qu'un gringalet accroché à ses chausses, rien d'autre.

Les deux "hommes" atteignirent bientôt une auberge réputée pour regorger de voleurs, pirates et autre repris de justice. Le propriétaire de l'endroit, un petit homme grassouillet, était connu pour accepter toute sorte de paiement sans poser la moindre question. De plus, beaucoup le considérait comme l'individu le plus naïf de Kingston. Matt, comme beaucoup, s'amusait de cette naïveté et en profitait sans retenue. Souvent, il parvenait à diminuer le prix de leur consommation de moitié. Oui, manger à cette auberge se révélait être très économique. Eli observa donc son ami tenter de convaincre l'aubergiste de la richesse de la boucle d'oreille. Amusée, la jeune femme décida d'intervenir. C'est là qu'Elizabeth la petite peste refit surface, laissant le silencieux Eli de côté. Quinn essaya tant bien que mal de masquer la soudaine rancune qu'elle ressentait pour le pirate, afficha un sourire narquois et lança à l'aubergiste, sur le ton de la confidence.

Eli : « Ne fais surtout pas confiance à cet homme, c'est un véritable imposteur...

Eli jeta à son ami un regard mêlé d'amusement et de défi. Regarder le pirate en découdre avec le petit grassouillet... Voilà qui mettrait sûrement un petit peu de piment au milieu de cette matinée bien monotone. De plus, la jeune femme considérait ses paroles comme une sorte de vengeance personnelle. A présent, elle était curieuse de voir comment Matt allait s'en sortir.

La phrase d’Eli cloua le bec de Matt un instant. Il le dévisageait surpris avec un air « mais pourquoi tu dis ça toi ? ». Le petit gros regarda Eli puis Matt avec un air sceptique. Matthew se tourna vers lui et prit un air totalement indigné.

« Quoi ? Vous ne me faites pas confiance ? Vous préférez croire un simple matelot à un capitaine ? »

Pour rendre ses paroles plus prenantes, il se leva en bombant le torse fièrement. Il était plus grand que le gros mais ne le regardait pas de haut pour autant, sinon il était sur de ne pas avoir sa réduction. Les autres bandits de la salle c’était tourné pour observer la scène et voir comment le pirate allait réussir à arnaquer le vendeur. Pour dire vrai, à chaque fois que Matt venait ici, il se donnait un peu en spectacle. Enfin, son comportement naturel de partout faisait qu’il se donnait en spectacle. Transformant son air indigné en un air de confidence, il ajoutait à son oreille en chuchotant :

« Franchement... Vous ne devriez pas croire tout ce que les gens disent. Ce jeune marin par exemple, est un véritable bandit et il ose dire que j’essais d’arnaquer un homme aussi remarquable que vous ! »

Il avait pointé du doigt Eli de manière très peu discrète en parlant au serveur puis il reprit plus fort en mettant la boucle d’oreille dans sa main :

« Allons, je te pardonne pour cette fois. Va nous chercher nos plats. »

Il avait littéralement inversé la situation en mettant le serveur en faute ! C’était pas mal réussi. Il avait de la chance que ce p’tit gros soit vraiment naïf sinon ça ne serait peut-être pas passé. Voyant que le spectacle était fini, chacun retournait à son repas et Matthew se rassit, un sourire satisfait aux lèvres.

« Non mais qu’est-ce qu’il t’a prit à toi ? La prochaine fois, tu m’offriras le repas pour la peine. »

C’était comme ça et pas autrement. Il n’en voulait pas vraiment à Eli d’avoir fait cela. Ca l’amusait. L’audace du garçon lui plaisait bien, il devait avouer, bien que beaucoup de monde du milieu soit ainsi.

Passant à coté de leur table, le serveur amenait des verres de rhum à des clients un peu plus loin. Matt, qui aimait définitivement les ennuis, tendit sa botte et le serveur trébucha sans pour autant tomber mais le rhum d’un des verres s’échappa de son récipient pour aller visiter la chemise de son camarade d’en face. En gros, Eli avait une énorme tache de rhum sur le torse. Matthew avait un sourire en coin, le serveur continua son chemin tranquillement en pensant s’être pris le pied sur une chaise ou une table. Matthew regardait Eli avec un air de défi. C’était sa vengeance.

« C’est ennuyeux… »

Il avait un ton ironique un peu moqueur et il attrapa le serveur qui passait à coté de lui pour lui demander.

« Vous n’auriez pas une chambre où l’on pourrait changer sa chemise ? Mon camarade n’est pas capable de boire du rhum sans s’en mettre sur sa chemise. »

Le p’tit gros hocha la tête et partit pour revenir avec une clé à la main en disant que s’ils n’avaient pas besoin de payer pour s’excuser de son manque de respect envers Matt. Ce dernier eut un air vraiment surpris. Ce gars était vraiment stupide. Il le remercia et attrapa les clés du bout des doigts pour les lancer à Eli.

« Ne te perd pas, mon chéri ~ »

Un homme pas très loin failli avaler de travers en entendant le « mon chéri » ce qui fit rire un peu le capitaine sans navire. Le jeune garçon qui en réalité était une jeune femme se dirigeait vers les escaliers que Matt lui avait indiqués avec la tête alors qu’il se rasseyait.

Au bout d’un moment, il se dit qu’il prenait bien du temps pour juste changer sa chemise alors il se leva et partit en direction des escaliers à son tour non sans un petit clin d’œil pour le vieil homme qui avait failli s’étouffait un peu plus tôt. Il se dirigeait vers la chambre qui portait le même numéro que les clés prêt à entrer sans toquer, sans gêne pour lui dire qu’il lui fallait plus de temps que pour une femme.

Non sans un certain amusement, Eli observa le pirate redresser la situation et la tourner à son avantage. Ce qu'il fit avec beaucoup de facilités, comme toujours. C'était là une des grandes qualités de Matt. S'il était le roi pour se mettre dans des situations à la fois burlesques et gênantes, s'en tirer sans la moindre égratignure et sans que cela ne touche à sa réputation était pour lui un jeu d'enfant. Fièrement, Matthew se tira donc du mauvais pas dans lequel la jeune femme l'avait entraîné ; flattant l'aubergiste et rejetant la faute sur Elizabeth, il renversa complètement la situation ; et ce, avec classe ! Eli ne broncha pas lorsqu'il l'accusa d'être un véritable petit fripon. Elle n'était pas capitaine et n'avait pas de réputation à préserver. Et puis... Elle était celle qui avait attiré ces quelques ennuis au pirate ; c'était donc de bonne guerre. Finalement, tout rentra dans l'ordre. Le stupide aubergiste céda aux paroles de Matt et s'empressa d'aller chercher leurs consommations. Quant à Kian, il se tourna vers Eli avec un sourire joyeux et l'invita à payer leur futur repas. Chose impossible, évidemment, vu le pauvre salaire que recevait la jeune femme pour les services qu'elle rendait aux Williams. Pourtant, loin de se départir de sa bonne humeur retrouvée, elle lança au pirate, sur le ton de la conversation.

Eli : « Bien sûr, Cap'taine !

Elle n'eut pas le temps de lui lancer une oeillade entendue que le contenu entier d'un verre de rhum arriva sur sa belle chemise blanche. Surprise, Elizabeth bondit sur ses pieds. Tout d'abord, elle cru à un simple incident ; puis, remarquant le visage moqueur et provoquant de son capitaine, elle compris. Ce satané pirate se vengeait. Eli pinça les lèvres et jeta à Matt un regard noir. Bien sûr, leur petit jeu du chat était de la souris était quelque chose de fréquent entre eux et leurs petites prises de bec étaient presque quotidiennes et cela n'avait jamais entacher leur amitié. Mais la jeune Quinn ne pouvait s'empêcher de se sentir exaspérer par le fait que Matthew avait toujours le dernier mot. Jamais il ne la laissait gagner. Fulminant d'une rage sourdre, Elizabeth attrapa au vol les clés que lui lança le jeune homme. Au moins, elle n'aurait pas à se traîner cette immense tâche de rhum toute la journée. La jeune femme se dirigea bientôt vers les escaliers, son coeur se serra au dernier mot du pirate. Car malgré sa fureur, ce qu'elle aurait aimé que ce "mon chéri" ironique et moqueur se transforme en un "ma chérie" doux et sincère.

Arrivée devant la porte de la chambre, elle inséra les clés dans la serrure puis pénétra dans la pièce. Claquant la lourde porte derrière elle, elle s'adossa un court moment contre le bois frais et poussa un long soupir. Elle avait beau beaucoup apprécier Matt, sa fierté et son orgueil en prenait un sacré coup à chacune de leurs altercations. Et elle n'avait jamais le courage nécessaire pour riposter. Finalement, Eli retira sa chemise bouffante, s'approcha d'une bassine remplie d'eau posée dans un coin et entreprit de faire disparaître la tâche d'alcool. Puis, elle en profita pour faire un brin de toilette. C'était là la preuve de ses origines aisées : elle supportait mal la saleté et se décrassait rapidement dès qu'elle en avait l'occasion. C'est alors que la porte s'ouvrit sur... Matthew.

Elizabeth était là, face à la porte, ses longs cheveux détachés, le torse presque nu ; une simple bande de tissu emprisonnait sa poitrine. Découvrant le capitaine, la jeune femme eu l'impression qu'une pierre lui tombait au creux de l'estomac. Si dévoiler son identité à Matt était un de ses désirs les plus profonds, elle n'avait jamais vraiment espéré que cela arrive un jour. Elle ne voulait pas que cela arrive. Pourtant, la vérité était mise à nue au moment où elle s'y attendait le moins. La surprise passée, Eli pris conscience de tout ce qu'elle allait sans doute perdre suite à cette découverte. Cèdant à la panique, elle s'empara vivement d'un petit poignard qui traînait sur la table et bondit sur le pirate. Elle le plaqua violemment contre le mur et plaça le couteau contre sa gorge.

Eli : « Un mot à qui que ce soit et tu es mort.

Le regard de la jeune femme débordait de confusion. Elle était désorientée et cherchait désespérément une échappatoire. Mais il était trop tard ; il n'existait aucune explication à ce que le pirate avait vu. Que pouvait-elle faire ? Fuir ? Trancher la gorge de l'homme qu'elle admirait pour le faire taire ? Le laisser et espérer qu'il tienne sa langue ? Prier pour qu'il fasse comme si de rien était ? Tout ceci n'avait aucun sens. Résignée, la jeune femme s'écarta de Matthew, son bras armé retomba mollement contre sa hanche. Alors, c'était ainsi ? Le secret qu'elle gardait jalousement depuis plus d'un an venait, en une demi-seconde, d'être révélé au grand jour. Tout cela à cause d'une porte qu'elle avait oublié de verrouiller...

Matt entra dans la pièce sans gêne comme il l’avait prévu sauf qu’il resta bouche bée devant le spectacle qui s’offrait à lui. Eli était là, face à un miroir, torse nu. Ca n’aurait pas du poser de problème mais de longs cheveux tombés dans son dos et lorsqu’il se tourna Matt pu constater que c’était « elle » en réalité. Il n’en revenait pas. Comment le Eli en qui il avait confiance, celui avec qui il avait partagé tant de temps, comment pouvait-il être une femme ? Il, enfin elle, avait bien caché son jeu.

Avant même qu’il ne puisse réagir d’une quelconque façon, elle se rua sur lui, un poignard à la main. Si elle le tuait, ça serait le summum de la trahison mais il, enfin elle, se contenta de le menacer. Par reflexe il avait mis les mains en l’air en signe de « j’ai rien fait ». Finalement, elle se détacha de lui et laissa tomber son bras le long de son corps. Matt lui regardait son corps justement. Il avait du mal à assimiler le fait que ce soit une femme du coup son regard était fixé sur sa poitrine comprimée.

Il décrocha son regard pour la regarder dans les yeux, détailler son visage. Maintenant qu’il regardait, elle avait des traits féminins mais elle avait tellement tout bien caché qu’il n’avait rien remarqué. Malgré tout le temps qu’il avait passé ensemble.

« Je n’irais pas le dire mais je pense que tu me dois quelques explications. »

Il croisa les bras devant son torse, qui est vraiment un torse je vous rassure en la regardant. Il savait qu’elle n’allait pas s’expliquer comme ça d’un coup. Il la connaissait même s’il n’en était plus si sur. Avec technique, il attrapa son poignet où elle tenait le poignard et son autre poignet avec son main. La situation s’inversait. Il la plaquait à son tour contre le mur. D’un mouvement de doigt, il la fit lâcher son arme qui tomba sur le sol. Il ne regardait même pas où elle était tombé alors que la lame aurait très bien pu se planter dans son pied. Il savait qu’elle avait quand même de la force mais il voulait être sur. Il mit les deux poignets dans une de ses mains et sortit son poignard à lui qui était à sa ceinture.

Avec aisance, il coupa ce qui retenait la poitrine d’Eli. Il réussit à ne couper que le tissu, il maitrisait sa lame. Après l’avoir fait, il la relâcha.

« Tu es vraiment une femme. »

Cette fois-ci, il en était sur. Plus aucun doute possible. On a toujours des doutes qui subsistent alors Matthew, il préfère les éliminer. Il recula un peu d’elle et ôta sa chemise. Il eut un petit sourire en coin en se disant qu’elle devait mal interpréter. Il lui lança sa chemise :

« Tiens, habille toi, dès fois que quelqu’un entre. »

Il rangea son arme et la cacha à nouveau au niveau de sa ceinture. Il soupira. Il n’aimait pas ce genre d’histoire. Il aimait les problèmes certes mais pas eux. Il s’assit sur le lit qui meublait la pièce sans regarder Eli le temps qu’elle se rhabille. Il ne savait pas si elle était pudique ou pas. Au bout de quelques secondes, il la regarda à nouveau, tantpis.

« Pourquoi tu caches le fait que tu es une femme ? »

Elle n’avait pas répondu à sa question précédente vu qu’il lui avait sauté dessus pour la déshabiller alors il la reposait. Des explications s’imposaient. Il se disait qu’elle ne lui avait surement rien dit après l’avoir connu pour ne pas trahir sa confiance. Tout être humain normale aurait pensé cela, selon Matt. Il ne lui en voulait pas. Le choc était passé maintenant. On avait tous nos secrets, lui le premier. Personne ne connaissait ses origines, son nom de famille. C’était ses secrets et il sentait que toutes les barrières allaient être brisées entre Eli et lui maintenant. Ca ne l’amusait pas plus que cela mais bon… Si elle lui posait des questions, il lui répondrait. Maintenant qu’il savait son secret, ou du moins l’un d’eux.

Elizabeth eut un léger sursaut de soulagement lorsque Matt lui promis qu'il tiendrait sa langue. Au moins son secret resterait presque entier. S'il était le seul à le savoir, elle pouvait être tranquille. Pourtant, Eli continuait à fuir le regard de celui qu'elle considérait comme le meilleur ami qu'il lui ait jamais été donné d'avoir. Elle restait persuadée que jamais plus Matthew ne la regarderait de la même façon, peut-être avait-elle même perdu sa confiance. De plus, et cela elle en était certaine, il n'accepterait pas une femme à son bord. Les femmes portaient malheur, c'était de notoriété publique. La jeune femme se rappelait les difficultés qu'elle avait rencontré à Londres pour trouver un navire sur lequelle embarquer. Les marins qu'elle avait abordé lui avaient ri au nez, l'avaient ignoré ou l'avaient regardé avec dégout. Ce n'était qu'au moment où elle avait commencé à se travestir que les choses avaient commencé à changer. Tout ceci était bien loin à présent. Aux yeux du pirate, Eli n'était plus. Il ne restait que la jeune Elizabeth, torturée par l'idée que jamais elle ne quitterait le port de Kingston.

Des explications ? La jeune femme lui en aurait donné si elle en avait eu... Elizabeth s'était appuyée contre la vieille table qui trônait au milieu de la pièce. Les yeux rivés sur le sol, perdue dans sa réflexion, elle ne vit pas Matthew fondre sur elle. A son tour, elle se vit plaquer contre le mur de la chambre. Le coeur de Quinn s'emballa alors qu'elle sentait le souffle du pirate à quelques centimètres seulement de son visage. En d'autres circonstances, elle aurait adoré sentir le torse de son capitaine tout contre sa poitrine. Mais à ce moment-là, elle était trop désemparée et perdue pour rester maîtresse de ses pensées et de ses actes. La surprise passée, elle tenta de se soustraire à la force du jeune homme. Peine perdue. Abilemment, le pirate trancha la bande de tissu dissimulant sa poitrine, puis il relâcha la jeune femme.

Matt : « Tu es vraiment une femme.

A ces quelques mots, Elizabeth plongea un regard emprunt de rancoeur dans les yeux du pirate tout en masquant pudiquement sa poitrine avec ses bras. C'était comme si Matthew tentait de se persuader qu'il se trompait. Eli, de son côté, se sentait vulnérable. Elle finit par rétorquer, non sans une certaine ironie, accompagnant ses mots d'une légère courbette, presque théâtrale.

Eli : « Quelle perspicacité !

La jeune femme manqua alors de s'étrangler lorsqu'elle vit le pirate retirer sa chemise à son tour. Bien sûr, elle l'avait déjà vu torse nu à une ou deux reprise, mais c'était avant qu'il ne découvre sa féminité. Un court instant, Elizabeth se laissa aller à sa rêverie. Ce n'était plus là le jeune Eli rêvant de l'océan, de trésors et de bagarres. Non, c'était Elizabeth ; la jeune femme restée si longtemps loin de toute forme d'affection qui regardait le seul homme qu'elle aimerait sans doute jamais, se déshabiller sous ses yeux. Finalement, le pirate lança sa chemise à Quinn, lui commandant de se vêtir. Elizabeth s'empara de l'habit, essayant de masquer ses joues qui s'étaient légèrement empourprée à la vue du torse de son ami.

Enfin, le pirate posa la question qu'Elizabeth attendait. Pourquoi ? Pourquoi elle lui avait caché sa véritable identité ? Pourquoi s'était-elle travestit ? Pourquoi n'avait-elle pas fait confiance à Matthew ? Avait-elle honte de ce qu'elle était et sa féminité ? La jeune Quinn hésita. Elle se trouvait devant un immense mur de sentiments tous plus contradictoires les uns que les autres. De la peur, de la colère et de la rancoeur, du soulagement... En temps normal, elle aurait sans doute envoyé balader le jeune homme ; lui aurait répondu que cela ne le regardait pas, qu'il en savait déjà trop... Mais voilà... Elle ne pouvait s'y résoudre. Matt comptait pour elle, il lui avait beaucoup donné ; elle lui devait bien ça ! De plus, Eli avait fait confiance au pirate. Pourquoi Elizabeth en ferait autrement. Finalement, elle parla d'une voix forte, déterminée, agressive. C'était la première fois qu'elle ne transformait pas sa voix depuis plus d'un an.

Eli : « A ton avis, Matt ?! C'est pourtant pas bien difficile à deviner. Tu sais ce que je veux. Tu sais que je rêve de voguer sur les Sept Mers, que j'aime l'océan. L'océan, c'est ma vie. Mais voilà ! Je suis une femme ! Le problème, ce n'est pas que Dieu m'ai faite femme, mais que vous là... Vous, les hommes, vous vous êtes appropriés l'océan et vous nous tenez à l'écart de vos navires. Si bien qu'il nous est impossible ne serait-ce que de poser un pied sur le pont d'un bateau. Vous êtes tous pareils ! Une bande de marins misogynes. Et toi, Matt, ose donc me dire que tu es différent !

Tout en parlant, la jeune femme s'était peu à peu approché de son capitaine. Ses derniers mots, elle les prononça avec défi., son visage à quelques centimètres de celui du pirate. Son désarroi avait laissé place à la colère.

Eli s’était habillé. S’appelait-elle vraiment Eli ? Il en doutait maintenant mais ce n’était pas important. Il ne s’appelait pas vraiment Kian et n’en faisait pas tout un fromage. Sa réponse ne le surpris qu’un peu. Il savait qu’elle voulait monter sur un bateau et même si le lien ne s’était pas directement fait dans son esprit, inconsciemment il l’avait surement fait. Elle le défiait. Il sourit en coin. Il adorait les défis. Son visage était proche du sien, il pourrait l’embrasser pour l’embêter mais la situation était déjà suffisamment compliquée. Lorsqu’elle dit « Une bande de marin mysogyne », Matt ne put réprimer un petit rire. Elle avait fini de parler. Il prit à son tour la parole, en lui caressant la joue.

« Et bien, ma chérie, j’ose te dire le contraire. »

Il souriait en coin, un tantinet moqueur peut-être. Il glissa une des mèches d’Eli derrière son oreille avant de se tourner pour expliquer sa théorie, se doutant que sa réponse ne lui suffisait pas.

« Je choisis mes marins sur leur volonté et leur hum… potentiel ! »

Il continuait de marcher et monta sur le lit pour prendre un peu de hauteur, pas gêné le moins du monde par son torse nu.

« Je dois avouer… Je n’ai jamais eu de femme à bord. Mais ! Mais je ne pense pas que cela porte malheur. Je n’ai juste jamais rencontré de femme aussi déterminé ! Si j’avais un navire, tu monterais à bord, sauf que je n’en ai pas…»

Ca lui rappelait son problème. Il le reporta à plus tard à nouveau. Il fallait qu’il arrête de changer de sujet dans sa tête tout le temps ou il ne saurait même plus de quoi il parlait. Il sortit son épée de son fourreau et passa sa main sur la lame, pensif.

« Je ne t’ai jamais dit comment j’ai réussit à embarquer son un bateau pirate, si ? »

Il savait très bien que non. Ca lui ramenait des souvenirs tout cela. Ca remontait à loin, enfin pas tant que cela. Ca ne faisait que six ans qu’il faisait parti de cette partie de la population. Dire qu’avant il était un bourgeois. Il ne put empêcher un petit rire. C’était tellement ridicule mais tellement vrai. Sortant de sa petite rêverie, il reprit la parole sur un ton plus bas, comme s’il racontait une histoire, ce qui était le cas, accompagnant ses paroles par des gestes.

« C’était il y a six ans. Un groupe de pirate sont arrivé, ici même à Kingston. Je jouais à me battre avec d’autres de mon âge. J’étais le meilleur. J’ai toujours été meilleur à l’épée, même en bois. Les pirates traversèrent notre champ de bataille, coupant certains de nos combats. Avec mon courage (et son insouciance mais il ne l’avouerait pas), je pointais mon épée de bois vers l’un des pirates. Il explosa de rire mais j’étais sérieux. A ce moment, le capitaine s’approcha »

Matt revivait totalement la scène et une lueur d’admiration s’était allumée dans ses yeux.

« Il me défia en me prêtant l’épée de l’un de ses pirates. Je pris l’épée et me battus contre lui. Il eut tout de même du mal à me battre et du coup, il me proposa de les rejoindre à onze heures, le soir même pour partir. »

Il revint à la réalité et reprit un ton normal, enfin normal pour Matt.

« Ce que j’ai fait, et c’est grâce à cela que je me retrouve ici. »

Il souriait, satisfait de son histoire et de ses mimes de combat. Les draps du lit étaient défait, à cause de ses mouvements. Il descendit de celui-ci et s’approcha d’Eli.

« Donc j’aime laisser la chance à tout le monde, qui en serait capable. »

Un capitaine juste. C’était presque trop parfait. Heureusement qu’il était totalement étrange et décalé sinon il serait vraiment trop parfait. Enfin, la perfection n’existe pas et il ne cherche pas à l’atteindre, juste à profiter de la vie. Il n’avait pas pensé que le fait qu’il dise qu’il n’était pirate que depuis six ans, cela pourrait créer d’autres questions chez la jeune Quinn, comme que faisait-il avant ? Ou avait-il appris à manier l’épée ? Et surement bien d’autre. Le fait qu’il ait dit qu’il se battait avec d’autres enfants donnait un air de pauvreté… bien loin de la réalité.

Cette impertinence qui faisait ce que Matt était, cette impertinence qu'Eli admirait, qu'elle aimait tellement, elle ne la supportait plus à ce moment là. Ce "ma chérie", cette mèche de cheveux qu'il glissa derrière son oreille, cette caresse sur la joue... Mais pour qui se prenait-il donc ? Tout ce qu'Eli aurait adoré entendre et ressentir, Elizabeth ne pouvait le supporter. Elle ne voulait pas être une de ses conquêtes, elle ne voulait pas finir sur le tableau de chasse du pirate, elle ne voulait pas lui offrir une nuit pour être ensuite délaissée. Elle voulait... Elle voulait Matthew. Oh ça oui, elle le voulait ! Elle le désirait peut être même plus que l'océan. Mais pas comme ça. Matthew avait respecté Eli et la jeune femme voulait qu'il offre à Elizabeth le même respect. Quinn ne comprenait pas que ce capitaine était différent, qu'il n'était pas comme les autres. Mais cela, elle ne s'en rendait pas compte. La jeune femme restait plantée là, devant le pirate, partager entre ses sentiments contradictoires. Matthew de son côté, s'était bien vite remis de sa surprise et commença à déambuler sur le lit, racontant une partie de son passé. Elizabeth l'écouta, entre passion et colère.

Jamais le pirate ne s'était livré à elle de la sorte. Jamais. Il avait, tout comme elle, toujours gardé jalousement les bribes de son passé, sans jamais rien révéler. Alors donc c'était ça ; il n'était qu'un gamin des rues doué avec une lame qui a croisé le chemin de pirates ? Ca s'arrêtait là ? Elizabeth en doutait. Cet homme était tellement original qu'elle n'arrivait pas à se convaincre qu'il pu avoir un passé aussi... commun ! Pourtant, elle se refusa toute question. Matthew n'avait pas posé plus de questions à son sujet ; Quinn ne désirait donc pas ouvrir d'autres portes à la curiosité. Son plus gros secret venait d'être découvert, elle refusait de dévoiler le reste. Le pirate termina bientôt son récit qu'il avait conter avec fougue et passion. Il descendit du lit. Eli ne le quittait plus des yeux, si elle ne poserait pas de questions sur le passé de son capitaine, leur conversation était loin d'être terminée. En réalité, elle ne faisait que commencer. Eli, plutôt discret, n'avait jamais été du genre à mener la conversation. Matthew allait à présent rencontrer Elizabeth, déterminée, sûre d'elle et provocatrice. Sans quitter le regard du jeune homme, la demoiselle s'approcha de son épée qu'elle avait déposé dans un coin de la pièce et la sortit de son fourreau.

Elizabeth semblait plus sereine tout à coup. Si vraiment Matthew acceptait des femmes à son bord, peut-être alors avait-elle ses chances ? La jeune femme sortit finalement de son mutisme et lança au pirate, d'un ton provocateur.

Eli : « Ainsi donc tu accepterais n'importe qui que tu jugerais digne de naviguer à tes côtés, c'est ça ? J'aimerais juste savoir... Pourquoi as-tu accepter Eli ? Cet espèce de gringalet, naïf et soumis ! Eli n'a jamais eu à te prouver sa valeur ! Il en aurait été bien incapable d'ailleurs. Alors pourquoi, hein ? Peut-être t'es-tu dit : "Tiens tiens, en voilà un qui pourrait m'aider à dénicher un navire et que je pourrais sans peine abandonner par la suite." Eli n'était donc qu'un larbin à tes yeux ? Elizabeth marqua une courte pause et s'approcha du capitaine. Je ne t'en veux pas Matthew. Je n'aimais pas Eli. Mais ce morveux nous a été utile à tous les deux apparement, c'est déjà ça...

Elizabeth accompagna ses paroles d'un léger rictus. En vérité, elle ne pensait pas un seul mot de sa tirade. Si Eli était bien loin de ce qu'elle était, elle avait de l'affection pour son personnage. C'était sa seconde personnalité, son "elle" calme et discret. Cette partie d'elle-même qui lui permettait de souffler. Mais elle voulait tester Matt ; vérifier si vraiment elle avait eu raison de lui faire confiance. Et, par la même occasion, lui montre qu'Elizabeth n'avait rien à voir avec le jeune homme qu'il avait connu. La jeune Quinn termina enfin.

Eli : « Alors, Capitaine Kian ! A ton avis, est-ce que j'en serais capable ?

Joignant les gestes à la parole, Elizabeth brandit rapidement son épée qui alla se placer sous la gorge de son "adversaire".

A peine eut-il finit de raconter ce passage de sa vie qu’il vit Eli prendre son épée. Il sourit en coin. Ca devenait vraiment amusant. Si elle croyait pouvoir le battre, elle se trompait. L’avait-elle déjà vu se battre une fois ? Il ne se souvenait plus. Peut-être bien que oui, peut-être bien que non, ça importait peu. Il écouta sa petite tirade. Le pirate n’avait toujours pas sorti son épée de son fourreau. Il ne faudrait pas qu’elle croit qu’il se fout d’elle. Il attendait juste, calmement. Le moment de sortir l’épée viendrait bien assez tôt. Elle ne comprenait donc pas qu’elle était déjà admise sur son navire ? Qu’elle soit Eli ou n’importe qui d’autre, elle avait sa confiance et ça suffisait largement. La jeune femme devrait s’en estimer heureuse. Bref, il l’écoutait. Il aimait bien Eli, et il savait qu’elle aussi. C’était une partie d’elle-même après tout, elle ne pouvait vraiment le détester. Son épée vint se placer dans son cou. Il n’avait toujours pas bougé. Il posa ses doigts sur la lame et les laissa glisser dessus.

« Pas mal, mais elle est peut-être un peu légère pour toi non ? »

Il ne se moquait pas. Il n’ignorait pas non plus ce qu’elle avait dit, il constatait juste. Sans la prévenir, où était l’intérêt sinon ?, il attrapa l’épée avec sa main et la fit tourner, de sorte qu’Eli ait une prise moins …bien sur la poignée. Il ne sortait toujours pas son épée. IL voulait s’amuser un peu.

« Eli a plus de caractère que tu ne le dis. Il fait juste le timide. »

Il sourit en coin. Ca l’amusait vraiment de parler d’Eli à la troisième personne devant Eli, elle-même. Il lâcha son épée, pour ne pas trop se blesser la main et fit un petit saut vers Eli. Elle ne devait pas s’attendre à cela, et encore moins à la suite. Il se pencha pour mieux observer ses jambes.

« Jolie position, peut-être un peu plus d’espace entre tes pieds pour un meilleur équilibre »

Il sautait d’une conversation à l’autre, il fallait suivre mais lui ne s’y perdait pas du tout. C’était logique dans son esprit.

« N’hésite pas à m’attaquer, ne t’inquiète pas pour moi, Eli. Ou dois-je t’appeler autrement maintenant ? C’est perturbant de parler d’un Eli à la troisième personne alors que pour moi tu es Eli. »

Oui, il pouvait trouver quelque chose perturbant ! Il faut dire que c’était assez embêtant quand même. Il était assez ironique dans son début de phrase. IL savait bien qu’elle n’hésiterait pas mais il voulait qu’elle s’énerve. Il voulait tester son sang-froid au passage, tout en testant ses qualités d’escrimeuses. Matthew savait bien que les erreurs viennent le plus souvent lorsque l’on perd le contrôle de ses émotions. Il attrapa son épée, finalement, mais la laissa dans son fourreau et s’en servir pour se gratter sous le menton.

« Hum… Eli est tout de même un garçon sympathique, il devrait juste affirmer plus sa personnalité mais je vois que la nouvelle Eli n’a pas trop de problème pour se faire entendre. Ne cris pas trop fort quand même, chérie, ca pourrait s’entendre »

Il continuait avec son « chérie ». Ca l’amusait. Il testait toujours ses réactions. Pour lui c’était un test-jeu. Vu qu’elle voulait se battre, il se battait mais il trouvait cela drôle et n’était pas sérieux. Etait-il seulement sérieux parfois ? Enfin, il sortit son épée de son fourreau et prit une mine sérieuse, gâchée par son sourire en coin et son œil pétillant.

« Prête, poupée ? Je risque tout de même de te blesser ~ »

Il n’allait pas y aller tout doux parce que c’était une demoiselle. Il l’égratignerait peut-être par ci par là mais rien de très grave. Le plus gros serait surement s’il voulait la désarmer, il lui couperait la paume de la main. C’était le plus simple. Mais il irait gentiment.

Ses pieds se placèrent instinctivement et sa main s’enroula autour de la poignée. Im était prêt. Il la fixait, un sourire sur les lèvres, prêt à parer son attaque.

[XD plus je joue Eli, moins je la comprends =D Y'a des moments où je la trouve limite psychotique x)]

Elizabeth posait sur le pirate un regard emprunt de défi. Elle savait Matt très bon escrimeur. Elle ne l'avait jamais vu à l'oeuvre, mais sa réputation l'avait précédé. Quant à elle ? Elle était douée avec une épée, très douée même, certes. Mais elle était loin, très loin du talent de son mentor. Elle pouvait presque sentir que les lames étaient comme une seconde nature chez le capitaine. Chez elle s'était en plus. Ce n'était pas inné et chaque soir elle s'entraînait pour s'améliorer. Aussi, elle savait qu'elle n'avait aucune chance de battre Matthew à ce petit jeu. Mais pour la première fois elle pouvait enfin laisser Elizabeth s'exprimer et elle refusait de s'en priver. Avec son secret, tous les interdits tombaient comme des mouches. La jeune femme observa donc son ami faire son petit numéro tout en essayant de rester le plus calme possible. Elle se rendait bien compte que le pirate essayait de lui faire perdre son sang-froid et elle savait qu'il allait y arriver. La lionne était restée enfermé trop longtemps ; à présent, elle ne souhaitait qu'une chose : bondir.

La jeune femme suivait les moindre mouvements de son adversaire, tout en écoutant ses conseils, restant à l'affut du moindre détail qui l'aiderait à améliorer son jeu de jambes ou sa position. A présent, il était évident que Matt avait vraiment apprécié Eli et Elizabeth se félicita de lui avoir fait confiance. Maintenant, restait à voir s'il apprécierait Elizabeth autant qu'il avait aimé le jeune gringalet. Ce qui était bien moins sûr.

- Mon vrai nom ? Elizabeth. Mais je t'assure que si tu oses un jour m'appeler de la sorte devant nos pairs, il n'en fera pas long feu de ta virilité.

La jeune femme associa un petit sourire carnassier à ses quelques paroles. Si elle sentait sa colère monter d'un cran à chaque mot du pirate, elle savourait ce moment "d'intimité". Elle pouvait déjà voir leur amitié se transformer peu à peu en quelque chose de plus fort, de plus ambigu et ô combien elle aimait ça !

- Le fait qu'on puisse nous entendre te pose un problème, Matt ? Aurais-tu peur qu'on puisse te surprendre, prenant une raclée de la part d'une femme ? Le rictus d'Elizabeth s'élargit encore un peu. Peut-être crois-tu connaître Eli. Mais en réalité, je suis loin, très loin de ce que tu imagines. Eli se laissait faire, il t'admirait tellement qu'il ne se permettait aucune erreur en ta compagnie. Elizabeth, elle, te vénère. Pour elle, tu es intouchable. Et pour cette raison, elle serait capable d'absolument tout pour voir ton panache et ta grandeur s'accroître encore un peu. Oh oui, tu crois me connaître, mais Elizabeth t'est parfaitement inconnu.

Tout en parlant, Elizabeth rehaussa sa garde. Oh ça oui elle était prête. Elle l'était depuis le début. Mais elle éprouvait un tel besoin de s'exprimer, qu'elle ne pouvait s'empêcher d'attendre. Le moment propice à son attaque arrivait à grands pas.

- Me blesser ? Mon rêve de gloire accueillera toute forme de cicatrice à bras ouvert ! Surtout si les dites cicatrices me sont offerte par Matthew Kian, le pirate le plus loufoque de tous les Caraïbes. A chaque fois que ta lame réussira à me toucher, cette gloire que j'attends depuis si longtemps grandira un peu plus. Encore une chose que moi et mon double n'ont pas en commun. Eli aimait la vie ; Elizabeth elle, n'a pas peur de mourir. Allez Matt, qu'est-ce que tu attends ? Attaque !

Finalement, ce fut-elle qui attaqua. La jeune femme fit un grand pas en avant et entendit bientôt le fracassement de sa lame contre celle de son capitaine. Toute la colère et la rancoeur qu'elle avait accumulé depuis le début de la matinée se libérait tout à coup à travers son épée. Si elle n'était rien du tout comparé à son idole, elle allait lui montrer qu'elle savait se débrouiller l'épée en main, pour une femme. Elle allait lui prouver tout ce qu'Eli n'avait su lui montrer ; cette hargne qui l'habitait, cette passion, cet amour. Elle savait que le pirate n'aurait pas besoin de beaucoup d'efforts avant de la désarmer et la plaquer au mur, à sa merci, mais pour le moment, elle ne pensait qu'à une chose : prouver.

HRP : Super sorry de ne pas avoir répondu avant >< mais voila ^-^

La situation amusait vraiment Matt. Il pouvait jouer avec sa lame et ça le mettait de bonne humeur… Enfin, il était déjà de bonne humeur à la base mais il l’était encore plus, disons. Elisabeth… Il aurait presque pu deviner mais il pensait que c’était un peu plus mystérieux. Il était Presque déçu de la banalité de son surnom.

« Je m’attendais à plus original de ta part, Elisabeth. Et je n’ai pas peur pour mes virilités, encore faudrait-il que ta lame me touche »

Il souriait en coin, toujours, un tantinet moqueur peut-être, comme le ton de sa voix d’ailleurs. Cette femme était…différente. Elle amusait beaucoup le pirate, déjà, et en plus, elle avait du répondant en plus d’une lame à la main. Ca plaisait bien à Matt. Ca lui changeait des femmes qu’ils rencontraient dans les bars pas loin du bordel. Il s’étira de tout son long, le temps qu’elle finisse sa tirade. Encore une façon de l’énerver mais elle semblait déjà bien énervée tout en se contrôlant. C’était un bon point. Ah… elle avait fini sa tirade ! Matt espérait qu’elle allait l’attaquer mais non, elle repartit dans une autre tirade.

« Pour l’instant je remarque surtout qu’Elisabeth parle beaucoup. »

Même sourire et même ton. Une ironie agaçante surement mais qui était tellement représentante du pirate. Elle essayait de le provoquer mais c’était lui qui la provoquait depuis tout à l’heure. Finalement, elle attaqua la première. Il para son coup sans problème, commençant à commenter ses gestes, un sourire amusé sur les lèvres. Volontairement, il laissait des ouvertures pour voir si elle les voyait. Il tendait des pièges, certains évidents d’autres moins.

Le bruit des chocs des lames de métal résonnaient dans la pièce mais pourtant personne ne venait. Peut-être le fait qu’ils entendent des bruits de lames les démotivaient à venir, surtout s’ils avaient vu le Capitaine Kian monter. Il continuait ses jeux de jambes avec aisance et fluidité. On voyait qu’il était habitué, qu’il avait du talent avec une lame. Il avança pour lui faire une petite égratignure juste au dessus de son sein avant de se souvenir qu’elle portait sa chemise.

« Par les cornes de la sirène ! Mais c’est ma chemise que tu portes ! »

Il se parlait un peu tout seul sur ce point là. Vous remarquerez l’étrangeté de son expression. C’était à nouveau du Matthew tout craché. Il avait ses expressions à lui tout à fait abracadabrantes. Les cornes d’une sirène ? Jamais vu ? Lui non plus ne vous inquiétez pas. Nul ne sait d’où sortent de pareilles expressions, lui-même l’ignore. Elles viennent juste dans son esprit et sortent de sa bouche. Celle-là est l’une de ses préférés, qu’il utilise le plus en soit mais il en a d’autres que vous découvrirez bien assez tôt. La première fois qu’on les entend ça surprend mais Eli l’avait déjà entendu, vu le temps qu’il, pardon elle, a passé avec lui. Techniquement Elisabeth ne l’a pas entendu avant mais ne compliquons pas les choses plus qu’elles ne le sont déjà.

Toujours dans son combat, Matt se laissa toucher sans perdre son sourire. Il l’avait volontairement laissé approcher comme cela, il put lui laisser une nouvelle égratignure mais sur la joue cette fois-ci. Ils étaient plus proches et il en profita pour la désarmer aussi. Sauf qu’il ne la désarma pas avec son épée mais avec sa main. En même temps qu’il lui faisait sa blessure à la joue, il avait attrapé sa main qui tenait la lame et l’avait forcé à la lâcher. Une technique fort utile. L’épée tomba au sol et il la plaqua sur le mur qui était quelques pas derrière, laissant son visage à quelques centimètres du sien.

« Pas mal, encore des progrès à faire mais tu es prise, félicitations ! »

Il l’acceptait officiellement sur son bateau…qu’il n’avait pas encore. Depuis le début, le pirate était d’accord pour la prendre, sur le bateau bien sur. Toujours à quelques centimètres d’elle, il sentait son souffle ce qui devait être de même pour la jeune femme.

« Tu as quel âge d’ailleurs ? »

C’était tout à fait la question qu’il ne fallait pas poser. Déjà vu leur position, on pense à beaucoup d’autre chose que l’âge… Et aussi, il savait très bien qu’il ne fallait pas demander l’âge à une femme. Enfin Matt et les codes ça faisait beaucoup de monde. Il la regardait droit dans les yeux, un sourire en coin sur les lèvres. Il n’avait pas remarqué mais c’était l’une des rares phrases où son accent anglais ressortait. Et oui, il avait tout de même passé une partie de sa vie en Angleterre alors son accent ne pouvait totalement disparaître…

Matthew fanfaronnait. La situation lui plaisait, c'était indéniable. Il adorait voir Eli se donner en spectacle de la sorte. A croire qu'il préférait presque Elizabeth à son double masculin. Ce qui était fort surprenant pour la jeune femme. En effet, malgré ses paroles et sa fierté, elle savait Elizabeth invivable, trop orgueilleuse, trop fière. Eli, de son côté, était le genre d'homme aimé de tous, prêt à se sacrifier pour son prochain. Quand elle attaqua, les quelques paroles moqueuses du pirate résonnaient encore à ses oreilles, gonflant son ego à bloque, décuplant ses forces et sa force de frappe. Elle voulait le toucher, le blesser, lui montrer qu'elle était capable de l'avoir et peut-être même de le battre. Une partie d'elle-même restait persuadée qu'elle pouvait le faire, qu'elle pouvait réduire ce fichu capitaine au silence. Un rêve et un désir stupides qui disparurent très vite lorsque Matt para sa première attaque comme s'il chassait une mouche. Quant à Matthew ? Il commença un petit monologue sur la façon dont Elizabeth se battait. Comme si elle avait besoin de ça ! La rage qu'éprouvait la jeune femme s'amplifia en peu plus, son sang bouillonnaient dans ses veines, brûlant ses forces plus rapidement qu'elle ne l'avait espéré. Sa colère la mena très vite à la faute. Kian, agile comme un chat, aussi vif qu'un serpent la toucha juste au-dessus de son sein gauche. Elizabeth laissa échapper un cri de surprise et de douleur et le rictus disparu de ses lèvres ; son coeur s'emballa. Tout cela n'avait plus rien d'un jeu à présent. Pendant un court instant, elle baissa légèrement sa garde et dévisagea son capitaine. Son regard brûlait d'une haine emprunt de passion. Ce qu'il l'énervait ! Ne pouvait-il donc pas se taire deux minutes ? Juste deux minutes. Le temps qu'elle reprenne le contrôle d'elle-même, qu'elle réordonne ses attaques et sa défense.

C'était sûrement trop demander. Elizabeth savait Matthew bavard, mais pas à ce point ! Pendant la demi-seconde où elle baissa légèrement sa garde, le pirate en fit de même et la jeune femme sauta sur l'occasion. Sa lame lui écorcha vivement l'avant-bras. C'était facile, trop facile et Eli réalisa qu'il l'avait laissé faire. Elizabeth s'en trouva profondément blessée. Avec un nouveau cri, de haine cette fois, elle se jeta sur Matthew, l'épée brandie. Kian lui attrapa vivement le poignet et le tordu violemment. Quinn lâcha sa lame sous la douleur tandis que son adversaire lui tailladait la joue. Désarmée, elle se sentit plaquée contre le mur froid de la chambre. Elizabeth ressentit le souffle chaud du pirate sur son visage, alors qu'un sang rouge dégoulinait le long de sa joue et que "sa" chemise prenait peu à peu une douce couleur criarde. Elle dégagea brutalement son poignet de la main de son adversaire et plongea ses yeux dans le regard sombre du jeune homme. Sa colère tomba tout à coup. Ce qu'elle se sentait faible face à lui, elle était impuissante. Un seul regard et elle se retrouvait incapable de lui faire le moindre mal, d'éprouver la moindre haine. Tout ce qu'elle pouvait faire c'était simuler ; faire semblant de lui en vouloir, juste histoire de satisfaire son orgueil blessé.

Pendant les quelques secondes de silence qui suivirent la fin du combat, Eli éprouva l'envie soudaine de l'embrasser, de sentir le contact de ses lèvres contre les siennes. La situation se prêtait très bien à ce genre de désir. Son secret révélé levait tous les interdits qu'elle avait pu s'imposer pendant un an. C'était facile. Il était là, tout contre elle, son visage à quelques centimètres seulement du sien, yeux dans les yeux, dans l'intimité brûlante d'une chambre. Pourtant, malgré la passion qui lui brûlait les entrailles, elle se ravisa et détourna momentanément le regard. Son désir insatisfait lui donna l'impression qu'on lui arrachait le coeur ; qu'une main traversait brutalement sa poitrine et s'emparait de son palpitant pour l'emmener loin, très loin. Finalement, le pirate posa une question. Une question stupide et inutile, mais Elizabeth lui fut reconnaissante d'avoir brisé le silence. Affichant un nouveau rictus et replongeant ses yeux bruns dans ceux de Matt, elle finit par répondre d'une voix méprisante ; Elizabeth l'obstinée, Elizabeth la rebelle qui jamais ne reconnaitrait la faiblesse qu'il provoquait chez elle.

- Depuis quand ça t'intéresse Kian ? Je deviens une femme et tout à coup tu t'intéresses à moi ? Tu te fichais bien de connaître l'âge d'Eli. Peu importe mon âge. Elizabeth empêcha une goutte de sang de tomber de son menton à l'aide de sa main. Dis voir, d'où tu le sors cet accent ?

Autre question inutile. Elizabeth avait reconnu l'accent anglais, bien sûr. C'était son accent, celui qu'elle avait côtoyé pendant toute son enfance. Pourtant, l'accent de Matthew avait rarement été si prononcé. Peut-être que l'histoire de son pirate adoré n'était pas si banale que ça, après tout... Sans même lui laisser le temps de répondre, elle enchaîna sur le même ton.

- Alors comme ça tu m'acceptes sur ton euh... Future navire ? On croise le fer pendant quelques minutes durant lesquelles tu me ridiculises et tu m'acceptes ? C'est à se demander si je n'ai pas jeté mon dévolu sur un pirate de pacotille ! T'es si désespéré que tu acceptes n'importe qui ? Je te préviens, tu vas avoir du travail avec moi. Piètre marin, piètre escrimeur... Et en plus j'ai un sale caractère. Tu crois vraiment que tu vas tenir le coup ?

Elizabeth le provoquait volontairement. Elle aimerait tant le voir perdre son sang-froid et faire disparaître ce sourire moqueur de ses lèvres. Mais elle savait qu'elle n'y parviendrait pas. Ce pirate était peut-être doté d'un superbe ego, mais il savait assez bien se tourner en dérision pour ne pas prendre les provocations de la jeune femme en compte. Pendant tout ce temps, pas une fois Eli ne chercha à se soustraire du contact du torse nu de Kian contre sa poitrine. Torse sur lequel elle baissa momentanément les yeux avant de sentir une nouvelle fois son rythme cardiaque s'accélérer. Même si elle-même refusait de le reconnaître, elle était certaine que le garçon était conscient de l'emprise qu'il avait sur elle et qu'il ne se gênerait jamais pour en profiter. Il ne savait sa véritable identité que depuis quelques minutes et il en connaissait déjà plus sur elle qu'il n'avait réussi à en savoir en un an. Matt était définitivement un homme à femmes et parvenait à les cerner avec une facilité surprenante. Elizabeth n'en faisait pas exception. Quoique... Elle avait quand même réussi à lui dissimuler sa véritable identité pendant plusieurs mois. Ce qui pouvait relever de l'exploit...

- Tu es anglais alors ? De quelle ville viens-tu mon cher Kian ?

A son tour de satisfaire sa curiosité...

C’était une position fort agréable, il fallait admettre. Se tenir si près d’une belle n’avait jamais, au grand jamais dérangé Matthew. Il observait ses réactions. Elle semblait en combat intérieure et cela l’amusait. Elle détourna le regard un moment et il sentait son cœur battre. Son torse collé contre sa poitrine lui permettait d’entendre une chamade dont il était fier d’être le coupable. Ca y est, la jeune femme reprenait ses moyens, heureusement qu’il lui avait tendu la corde de sortie avec sa question stupide et totalement inadéquate au moment. C’était la réponse qu’il espérait. Il se foutait de son âge, ce n’était pas comme s’il ne prenait que des personnes majeurs à bord. Non, il ne s’en foutait pas tant que ça. Elle lui emblait plus jeune que lui, et il voulait en être sur. Pourquoi ? Aucune raison particulière. D’autant plus que si elle ne voulait pas le dire, ça rendait la chose intéressante, bien que l’âge ne fusse pas de grand intérêt. Elle essuya le sang qui coulait. Elle l’avait devancer, il s’apprêtait à le faire pour elle. Son accent ? Ah oui, il n’avait pas fait attention lui mais elle ne lui laissait pas le temps de répondre. Elle était bien bavarde. Enfin regardait qui pense cela ! Son sourire s’agrandit. Elle avait jeté son dévolu sur lui ? Voila qui devenait fort intéressant.

« Et bien mon Ange, je t’ai à mes côtés depuis pas mal de temps pour savoir comment tu es, bien qu’Elisabeth semble devoir être un peu plus tenue en laisse »

Il répondait à sa provocation par la provocation et il trouvait cela très amusant. Pour Matt c’était plus un jeu qu’autre chose. Il mit sa main devant sa bouche en signe qu’il n’avait pas fini de parler et continua.

« Si ton caractère est trop mauvais, tu auras des problèmes avec l’équipage. Pas avec moi. Mieux vaut un sale caractère que pas de caractère du tout. Donc tu es accepté, il faudra juste qu’on trouve le navire maintenant. »

Il sourit en coin. Dans un port, ça ne devrait pas être trop difficile à faire. Il fallait juste qu’il trouve un navire qui lui plaise et qu’il arrive à le voler. Les bijoux, il était chose aisé de les voler mais les navires… On ne pouvait les mettre dans notre poche, ça compliquait la tâche. Il restait contre elle et eut un petit rire à sa question.

« Belle analyse de mon accent. J’étais bien anglais de Liverpool, même ! »

Il ne se considérait plus comme anglais maintenant. Il avait quitté ce pays à l’âge de quatorze ans. Ca faisait pas mal de temps maintenant, sachant qu’il en avait vingt-et-un. Il approcha encore un peu son visage d’Eli, leurs lèvres se frôlant puis il recula et regarda sa poitrine. En vérité, il regardait la tache de sang sur lequel il mit le doigt d’ailleurs avec une grimace.

« J’aurais du te blesser ailleurs. »

Ce qui voulait dire qu’il avait largement eut le choix pour la blesser et qu’il avait lui-même choisi de la toucher ici. Pourquoi là ? Parce que c’était le plus amusant et puis il lui laissait une marque qui ne devrait pas être vu. Notre petit Matt serait-il quelque peu possessif envers Elisabeth ? Hum… affaire à suivre. Il avait repris son sourire en coin en même temps qu’il reprit la parole.

« C’est pas tout ça mais si tu n’as plus de question, nous avons un bateau à trouver ! »

Il était sur qu’elle aurait d’autres questions. D’autant plus qu’elle venait d’apprendre qu’il avait vécu en Angleterre. Les femmes étaient curieuses. Lui aussi. Un défaut ? Parfois une qualité. Il se réapprocha d’elle et lui ébouriffa les cheveux, juste histoire de l’embêter.

« En tout cas, je te dis bravo. Tu as bien réussi à cacher ta sexualité ! Je suis impressionné ! »

Il disait vrai. Lui-même ne pourrait tenir plus d’une heure, voire moins, déguisé en femme. Enfin, c’était un peu différent tout de même. Il n’avait aucune raison de se déguiser en femme, si ce n’est faire le pitre et dans ce cas là ce n’est pas fait pour durer. Matt en femme… Ca serait assez drôle à voir !

[ Pas fameux, mais faut que je me remette dans le bain ^^ ]

Matt prenait un malin plaisir à tenter Elizabeth. Avait-il conscience de l'emprise qu'il avait sur elle ? Avait-il compris en quelques minutes seulement les sentiments qu'elle éprouvait pour lui ? Peut-être bien. En revanche, même si le pirate avait vraiment connaissance de tout ça, il était sûrement loin du compte. Que savait la jeune Quinn de l'amour ? Pas grand chose. Pourtant elle savait qu'il s'agissait là d'un amour passionné, unique. Le genre d'amour qui vous ronge de l'intérieur, un amour sans issu. Alors non, Matthew n'avait pas vraiment idée de l'effet qu'il avait sur Elizabeth. Le capitaine repris bientôt la parole. Cet homme possédait un véritable don. Un don pour mettre la jeune femme dans une humeur massacrante. Il lui suffisait de prononcer quelques mots et celle-ci avait immanquablement envie de le transpercer de sa lame, de lui tordre le cou, de lui cracher au visage. Et pourtant, elle restait là, les bras le long du corps, incapable de bouger, incapable de défendre son orgueil. Kian posa un doigt sur ses lèvres et poursuivi sur le même ton, mais Eli ne l'écoutait plus vraiment. Son esprit était ailleurs ; dans un monde où cet amour qu'elle considérait comme interdit devenait possible. Un monde où elle connaissait enfin le bonheur et où la passion était maître mot. Un monde dans lequel Matthew cessait enfin ses moqueries et berçait silencieusement Elizabeth dans ses bras. Quand Quinn repris enfin conscience de la réalité, les lèvres de son capitaine se trouvaient à moins d'un centimètre des siennes. Troublée, elle hésita. Elle n'avait qu'un demi-pas à faire en avant. Rien qu'un demi-pas. Mais avant qu'elle n'ai eu le temps de se décider, Kian s'était brutalement écartée d'elle. Le coeur d'Elizabeth repris violemment sa place dans sa poitrine et la brume qui s'était abattu sur son esprit se leva. En une fraction de seconde, tout redevint clair. Elle était Eli Quinn, la jeune femme rebelle, imperturbable et froide comme la glace. Plus question de laisser ce capitaine de malheur guider ses émotions. Elle devait se reprendre et ne plus se laisser aller de la sorte.

Cette excellente résolution fut néanmoins mis à rude épreuve alors que Kian posait un doigt sur l'entaille qu'elle avait au-dessus de son sein droit. Les entrailles de la jeune femme se mirent à danser la salsa. Cette fois pourtant, elle serra les poings et s'obligea à garder les pieds sur terre. A présent, plus question de laisser le pirate avoir la moindre emprise sur elle. Enfin... C'était ce qu'elle désirait. Mais elle savait que ce petit jeu ambigu ne faisait que commencer. Elizabeth balaya brutalement la main de Matt et plongea un regard revêche dans les yeux sombres du jeune homme. Pas embarrassé pour deux sous, celui-ci se permit d'ébouriffer la longue chevelure d'Eli. Ce qui eu pour simple fait de raviver la colère de la demoiselle. Avec toute la hargne dont elle était capable, elle répondit simplement, précisant un léger détail qui lui tenait à coeur.

- En laisse ? Ne t'avise pas, ne serait-ce qu'une seconde, d'essayer de me brider Kian. Je te promets que je ne te le pardonnerai pas.

Elizabeth accompagna ces quelques mots d'un regard mauvais. Elle ne supportait plus ce sourire moqueur que le pirate affichait depuis plusieurs minutes. Il était planté là, s'amusant de la situation, l'ego gonflé à bloque par sa découverte. N'y tenant plus, exaspérée par son comportement, Quinn s'empara d'un oreillr, se jeta sur son capitaine et le plaqua violemment à terre. A califourchon sur le bas-ventre du jeune homme et le roua de coups à l'aide de son arme de fortune (mine de rien ça peut faire mal un oreiller !). Son irritation décuplait ses forces et, alors qu'elle s'acharnait sur le visage du pirate, elle ajouta.

- Tu m'énerves ! Arrête voir de sourire deux minutes ! Je suis sérieuse, espèce de calamar baveux ! J'te hais ! J'te déteste !

C'était vrai. Elle le haïssait autant qu'elle l'aimait. Et, alors qu'elle continuait à agiter son oreiller, les larmes commencèrent à couler le long de ses joues. Des larmes de rage, de frustration. Elle lui en voulait, elle s'en voulait. Son secret dévoilé, elle avait espéré que tout s'arrange, que les réponses viennent automatiquement à ses questions, que tout change et qu'elle puisse enfin vivre comme elle le souhaitait. Mais non. Rien n'avait changé si ce n'est que sa frustration et son impatience avaient doublé de volume. Et cette irritation l'aveuglait. Elle en oubliait presque les raisons qui l'avaient poussé à quitter Londres, elle en oubliait presque son rêve, l'océan et les navires. Le pire dans tout ça ? Plus elle essayait de se raisonner et de garder son calme, plus le contrôle de ses émotions lui échappait. Elle avait l'impression de devenir folle. Une folie destructrice...

{Désolé c'est court, avec la rentrée et tout je suis un peu fatiguée ><}

Elle ne voulait pas qu’il la bride. Il comprenait tout à fait ce sentiment. N’avait-il pas quitté sa famille pour ne pas devoir devenir ce que l’on voulait qu’il devienne ? Devenir pirate au lieu d’un gentleman c’était tout de même un changement radical de direction pour une simple raison : la liberté. Bon, pas seulement évidemment, étant donné qu’il aime naviguer, ça valait mieux pour lui et croiser le fer aussi.

« J’ai l’air de quelqu’un qui voudrait t’enlever ta liberté ? Je suis vexé… »

C’était évidement faux et totalement ironique. Il n’était pas vexé, il comprenait qu’elle dise cela. Lui-même ne s’était mis aucune bride. Il n’avait même pas de navire, c’est pour dire ! Enfin, elle coupa court à ses pensées très philosophiques en l’attaquant armée d’un coussin. Il venait de remettre l’épée dans son fourreau et ne pouvait donc riposter. Si, il pouvait riposter, il savait quand même se battre sans une épée mais ça l’amusait, même si un oreiller ça faisait mal. La chute sur le sol n’avait pas été fameuse. Ce n’était jamais agréable de se faire plaquer au sol et il n’avait pas vu ce coup venir, il fallait avouer. Ce n’était pas un génie non plus.

Matt riait. Ca faisait mal mais le fait qu’elle l’attaque avec une arme aussi étrange le faisait rire. Elle s’énervait. Calamar baveux. On ne l’avait jamais insulté ainsi. De taré ou de malade, oui mais de calamar baveux, non. Bref, un point qui l’amusait en plus mais il sourit moins lorsqu’il vit qu’elle commençait à pleurer. Au contraire, il était, d’abord, surpris puis étrangement dérangé de la voir pleurer. Il attrapa l’oreiller pour le poser sur le coté et se redressa du mieux qu’il put. En équilibre sur une main, il lui essuyait les larmes de l’autre.

« Ne pleure pas. »

Il ne savait pas comment la faire arrêter de pleurer. Il n’avait jamais vraiment eu à consoler quelqu’un. Non pour dire vrai, il n’avait jamais consolé quelqu’un. Il essayait de se souvenir comment les domestiques le réconfortaient après qu’il ait été puni mais le seul souvenir qui lui revint fut celui de sa mère, lui chantant une chanson douce pour le calmer. Il se souvenait bien de cette chanson. Elle venait de son père. Sa mère lui avait dit qu’il lui avait apprise. Il se mit à la freudonner doucement :

« Yo, ho, haul together,
hoist the colors high.
Heave ho, thieves and beggars,
never shall we die. »

Il n’avait jamais oublié cette chanson, considérant que c’était son seul lien avec son véritable père. Il avait capté son attention. Il se mit à chanter un peu plus fort mais le son était toujours doux.

« The king and his men
stole the queen from her bed
and bound her in her Bones.
The seas be ours
and by the powers
where we will we'll roam. »

Il chantait plutot bien. Il ne chantait pas faux du moins. Sa voix se promenait dans la pièce sans pour autant aller très loin vu son niveau sonore. Elle atteignait les oreilles d’Eli sans aucun doute mais surement pas plus. Il espérait que ça la calmerait et la ferait arrêter de pleurer. En même temps, sans vraiment s’en rendre compte, il s’était mis à caresser son bras doucement du dos de ses doigts tout en chantant. Ses yeux fixés sur ses doigts qui font des allers-retours…

[ Tu m'excuseras si y'a des "déjà-dit", faut que je me remette dans le bain ^^ ]

La colère et la frustration d'Elizabeth décuplait ses forces. Aussi, chaque coup d'oreiller se faisait un peu plus fort et brutal que le précédent. La jeune femme se surpris à vouloir lui faire du mal. A lui. A cet homme qu'elle adorait plus que tout, qui l'avait prit sous son aile et lui avait offert sa chance. Non, elle n'avait aucune véritable raison de lui en vouloir et pourtant elle déversait sur lui toute sa haine. Cette haine qu'elle avait enfermé au plus profond de son âme pendant près d'un an et qui jaillissait à présent, espérant réduire cet homme si unique au silence. Oui, à cet instant, Eli se montrait tout particulièrement injuste. Qu'avait fait Matthew en réalité, mis à part être entré au mauvais moment et s'être gentiment moqué d'elle ? Rien du tout. Rien de tout ceci n'était sa faute. Mais bon, il était là et la jeune femme éprouvait le besoin de se défouler sur quelqu'un. Elle lui faisait donc cet honneur.

Elizabeth se retrouva bientôt privée de son arme de fortune. Surprise, elle s'apprêta à continuer son labeur à l'aide de ses poings, mais la main du pirate qui s'avançait imperceptiblement en direction de son visage l'en empêcha. Son capitaine avait finalement cessé de rire devant les larmes qu'elle n'avait même pas sentit couler le long de son visage. Aussi, sa magnifique main vint délicatement essuyer les joues humides de la jeune femme. Il semblait désemparé et affichait un air à la fois décontenancé et troublé qu'Eli ne lui connaissait pas. C'est alors qu'il commença à chanter. Prudemment, mais sûrement. Sa voix était douce et presque mélodieuse, parvenant facilement aux oreilles de la jeune pirate. La colère de cette dernière tomba instantanément ; elle en oublia sa haine et sa frustration et se laissa délicatement bercer par cette mélodie qu'elle n'avait jamais entendue auparavant. Une mélodie qui lui réchauffa le cœur et embruma son esprit. Plus rien n'avait d'importance à présent, toute sa rancœur s'était envolée pour ne plus jamais vouloir revenir. Il ne restait que Matt, son cher capitaine et sa douce voix qu'elle n'oublierai jamais. Elizabeth frémit quand les doigts du pirate allèrent doucement se promener le long de son bras, alors qu'un long frisson lui parcourait lentement l'échine. Son cœur s'emballa une nouvelle fois. Aussi, elle lutta tant bien que mal contre ce sentiment que seul Matthew était capable de provoquer. Cédant finalement au désir qui lui tiraillait méchamment les entrailles, Eli se pencha et déposa un très léger baiser sur les lèvres de Kian. Un baiser dans lequel elle déversa toute son affection et tout l'amour qu'elle avait à lui offrir.

Une fraction de seconde plus tard, la jeune femme mettait brutalement fin à ce moment de tendresse. Se relevant vivement, elle laissa son pirate de capitaine en faire autant. Ce baiser volé serait tout ce qu'elle se permettrait de lui offrir. Toutefois, elle grava profondément cet instant dans sa mémoire, se promettant de ne jamais l'oublier et de chérir ce simple souvenir jusqu'à la fin de ses jours. Eli avait tourné le dos au jeune homme et soigna rapidement la plaie qu'il avait eu la gentillesse de lui offrir. Le saignement s'arrêta rapidement et elle pu réajuster "sa" chemise de manière convenable. Quand elle fit de nouveau face à Matthew, elle arborait de nouveau ce petit sourire que Kian lui connaissait ; ce sourire qu'elle affichait souvent en sa compagnie. Toute trace de larme et de colère avait disparu. Ramassant son épée et la rangeant dans son fourreau, elle finit par s'adresser au pirate d'un ton qui se voulait enjoué. Cependant, elle ne pu empêcher sa voix de trembler légèrement. Malgré ses convictions et sa décision de ne plus jamais laisser une telle tendresse s'installer entre eux, Elizabeth se sentait déjà sur le point de recommencer, encore et encore ; de laisser libre court à sa passion sans barrière, sans interdit. Pourtant, elle se contenta de quelques simples mots.

- On a du travail, non ?

Avec douceur, le capitaine caressait le bras de son matelot, enfin sa matelot. Il chantonnait à voix basse et sourit un peu en voyant que ses larmes s’étaient arrêtées. La voir pleurer ne lui plaisait pas du tout. Cette femme pleine de caractère qui l’amusait beaucoup ne devait pas pleurer. Il ne voulait pas qu’elle pleure, encore moins à cause de lui. Sans qu’il n’ait vraiment le temps de comprendre ce qu’il se passe, elle se penchait vers son visage et déposa un baiser furtif sur ses lèvres. Instinctivement, sa main qui se promenait sur le bras de la jeune femme monta vers sa nuque mais avant qu’elle ne puisse l’atteindre pour accentuer le baiser, Eli s’était déjà redressée. Ce baiser n’avait rien à voir avec ceux qu’ils donnaient ou recevaient habituellement. Il était tendre et tellement plein d’amour que ça déstabilisait presque Matthew. Je dis bien presque. Il ne pensait pas que les sentiments d’Eli étaient si forts… Enfin, ce moment restera dans leur mémoire. C’était leur petit secret, leur moment intime rien qu’à eux.

Le pirate se releva et s’appuya sur le mur, les bras croisés, l’observant se soigner de dos. Il se rendait bien compte qu’il la voyait tout de même différemment maintenant qu’il savait que c’était une femme. Il ne comptait pas la traiter différemment mais il lui faudrait un petit peu de temps pour retrouver ses moyens. Enfin, ça ne se verrait pas beaucoup que son comportement a changé. Il avait bien envie de l’énerver et de l’embêter maintenant qu’il savait qu’elle avait un caractère irritable. Cette pensée le fit sourire. Son sourire en coin qui lui allait si bien et qu’il affichait si souvent. Finalement, il ne lui faudrait pas beaucoup de temps pour être comme avant, le sexe de son ami le plus proche avait changé, rien de plus.

Elle se retourna enfin et il vit qu’elle souriait. Eli était de retour pour de bon. Il comprit qu’elle avait soigné sa plaie, qu’il lui avait infligée d’ailleurs et son sourire s’agrandit encore un peu lorsqu’elle prononça sa question.

« C’est exact ! On a un bateau à réquisitionner ! »

Il ne disait pas voler. Il ne se considérait pas comme un voleur pour ce qui s’agissait de bateaux. Beaucoup de navires, selon lui, appartenaient à des gens qui en étaient indignes et de plus, les pirates étaient les vrais capitaines de ces navires et non quelque riches hommes qui usaient de leur pouvoir pour en posséder. Enfin, il ne fallait pas oublier que Matthew avait tout de même une haute estime des pirates, pas tous bien sur, mais en général.

Il se décolla du mur sur lequel il était appuyé et s’approcha d’Eli.

« Par contre, il va falloir qu’on aille chercher une autre chemise »

Son sourire ne l’avait pas quitté. Sa chemise oui par contre. Il était toujours torse nu. Il ne pouvait attendre plus longtemps la réaction des clients en bas lorsqu’il le verrait descendre à moitié à poil et son camarade dans sa chemise.

« Et il faut que tu refasses des bandages aussi »

Il mima qu’il s’enroulait le torse en même temps qu’il parlait pour qu’elle comprenne de quoi il parle même si elle aurait surement compris sans le mime. Il partit ensuite vers la porte, l’ouvrit et l’invita à passer avant lui avec une petite révérence quelque peu moqueuse mais dont on ne pouvait négliger le fait qu’elle était parfaitement effectuée. Il avait appris à le faire pendant son enfance aussi et il avait tenu à ne pas oublier ses cours de gentilhomme, ça pourrait toujours lui servir. Plus on savait faire de chose, le mieux c’était.

Il sortit donc après elle et ferma la porte avant de descendre les escaliers à sa suite. Il se rassit à sa place pour finir leurs plats, il n’avait pas encore mangé à cause de toute cette histoire et Matt avait faim. Qu’importe qu’il soit torse nu ou habillé. Il mangerait.

Le repas finit, sans encombre notable d’ailleurs, ils quittèrent le lieu. Maintenant, il était temps qu’il trouve une chemise, des bouts de tissus pour cacher les rondeurs de la demoiselle et surtout… un navire !

HRP : Tu es toute excusée xD

Alors qu'elle renouait nonchalamment sa longue chevelure en catogan, Elizabeth se laissa aller dans un profond sentiment de béatitude. Sa colère passée, il ne lui restait à présent qu'une étrange satisfaction. Ce qu'elle désirait, elle l'avait. Elle allait pouvoir être à la fois Eli et Elizabeth ; à la fois homme et femme. Enfin elle allait pouvoir prouver à ce maudit pirate tout ce dont elle était capable et ne plus se contenter d'être ce pâle reflet de sa véritable identité. Bien sûr, cette liberté retrouvée allait très certainement lui poser quelques problèmes. Au fond d'elle, la jeune femme était consciente qu'elle aurait dorénavant plus de difficultés à se comporter comme un homme ; que ce soit devant Matt ou devant n'importe qui. Sa féminité lui avait tellement manqué qu'elle ne pouvait se résoudre à l'emprisonner à nouveau. Elle s'en rendait compte à présent, elle avait besoin d'être femme ; elle voulait qu'on la voit telle qu'elle était réellement et non pas comme ce jeune marin naïf accroché aux chausses du Capitaine Kian. Oui, Elizabeth savait que masquer sa véritable identité serait à présent bien plus difficile maintenant que la seule personne qui comptait réellement à ses yeux avait découvert son petit secret. Aussi, elle comptait sur Matthew pour éviter de la confronter à des situations dans lesquelles son semblant de masculinité serait mis à l'épreuve... Enfin, elle se doutait bien qu'il prendrait un malin plaisir à l'embêter à ce sujet. Kian n'était pas Kian pour rien.

A présent, nos deux protagonistes semblaient avoir retrouvé toute leur bonne humeur. Un sourire éclatant était revenu hanter les lèvres du pirate alors qu'Elizabeth posait fièrement une main sur la garde de son épée. Pendant un court instant, la jeune femme ne pu empêcher son regard d'aller se promener pour la énième fois sur le torse nu de son ami. Une nouvelle fois, le rouge empourpra ses joues. Aussi, elle détourna rapidement les yeux et hocha simplement la tête lorsqu'il suggéra devoir se trouver une nouvelle chemise en tout hâte. Eli pouvait bien y mettre toute la volonté du monde, cet homme ne la laisserait jamais indifférente. Tout dans son allure, sa prestance, son charme, son cynisme faisait vibrer en elle un profond désir. Plus question de laisser ses pulsions prendre le dessus cependant. Lorsque Kian lui parla des bandages, le sourire de la demoiselle s'élargit encore et lui lança un bref regard emprunt de reconnaissance. Cette attention la touchait profondément ; son capitaine semblait avoir compris à quel point elle tenait à son secret. Peut-être serait-il celui qui la rappellerait à l'ordre dans ses moments de faiblesses finalement ? Peut-être l'aiderait-il à dissimuler sa féminité aux yeux du monde ? Qui sait ? Matthew était presque aussi imprévisible qu'elle... Seul l'avenir lui dirait jusqu'à quel point elle pourrait compter sur la fidélité et l'amitié du pirate.

Même perdue dans ses questions, Elizabeth ne pu ignorer la révérence que lui offrit Matthew. Sans se départir de son sourire, elle tiqua. Où un gamin qui s'entraînait à se battre avec un bâton dans la rue avait-il appris à faire une révérence aussi parfaite ? Eli posa sur son pirate de capitaine un regard curieux. Il était clair qu'il était loin, très loin, de lui avoir tout raconté à propos de son enfance et qu'il lui cachait encore bien des détails. Elle refusa de l'en blâmer cependant. Elle-même lui avait dissimulé la nature même de ce qu'elle était. Kian pouvait bien avoir quelques petits secrets à son égard. Cela le rendait d'ailleurs encore plus attrayant et ne faisait que décupler le désir qu'elle éprouvait pour lui. Oui, aussi longtemps que Matt saurait faire planer un certain mystère quant à ses origines, la tentation d'Elizabeth ne cesserait de croître. La jeune femme se retint à grande peine de répondre à sa révérence par une petite courbette comme elle l'avait appris à la cour. Un secret révélé par jour était déjà bien suffisant et elle préférait que Kian ignore ses origines. C'était mieux ainsi. Puis, toujours souriante, Eli descendit les escaliers, suivi de près par le jeune homme. La demoiselle s'inquiéta un court instant des regards qui se posèrent sur eux. Fort heureusement, la chemise de Matthew était assez ample pour ne pas trahir la discrète présence de sa poitrine et, au final, l'accoutrement du capitaine attira bien plus l'intention que ses propres rondeurs. C'était parfait. Kian avait l'habitude d'être le centre d'attention général de toute façon et il était assez excentrique pour ne pas avoir à justifier sa tenue. Ou plutôt, son absence de tenue.

Nos deux protagonistes terminèrent leur repas rapidement. Son malaise passé, Elizabeth mangea avec appétit ; chose qu'elle n'avait pas fait depuis des années. C'était Kian qui offrait de toute façon, elle aurait tort de se priver. Puis, repue, Eli suivi son capitaine hors de la taverne et les deux pirates se mêlèrent une fois de plus à la population de Kingston. De nouveau en route pour les quais, la jeune Quinn accéléra le pas et cala son allure sur celle du pirate. S'il connaissait très bien cet Eli discret et très peu bavard, il allait enfin rencontrer l'Elizabeth curieuse, éternelle insatisfaite à la langue un peu trop bien pendue. Quelques secondes durant, elle lutta contre sa curiosité, consciente que Matthew ne lui devait absolument rien et qu'elle risquait de se prendre un vent de cynisme et de moquerie en plein visage à la moindre question. Une fois encore, cependant, elle ne pu faire face à cette impatience qui la caractérisait si bien. Aussi, alors qu'elle marchait aux côtés du jeune homme, elle ne pu empêcher la question qui lui tiraillait les entrailles de franchir sur les lèvres. Question qui avait d'ailleurs plus l'allure d'une affirmation.

- Matt.... Tu ne t'appelles pas Kian, je me trompe ?

Étrangement, Elizabeth était profondément persuadée que Matthew était loin d'être celui qu'il prétendait. Bien sûr, il était un pirate, aucun doute sur ce point. Et pourtant, tout dans son comportement tentait à prouver le contraire. Il savait un peu de trop de chose et savait un peu trop bien faire les choses pour n'être qu'un gamin des rues ayant croisé la route de quelques pirates. La jeune Quinn voulait savoir. Imperceptiblement elle désirait lever le voile sur les mystères de son capitaine. Elle l'aimait trop pour se contenter du peu de chose qu'il lui avait dévoiler.

[ Bon, faut qu'on trouve un truc pour faire rebondir le rp maintenant x) ]

Un sourire s’étira sur ses lèvres lorsque sa partenaire posa une question. Pas n’importe quelle question ! Elle lui demandait si Kian était son vrai nom. Elle semblait sur que ça ne l’était pas, elle n’avait pas tort sur ce point d’ailleurs. Il lui lança un regard en coin, son sourire toujours dessiné. Il avait un air un peu espiègle lorsqu’il répondit :

« Qui sait ? »

Cette simple question qui laissait encore plus de mystère plané autour de lui, avouait en même temps que ce n’était pas forcément son nom. Elle en avait suffisamment appris sur son passé aujourd’hui et de toute façon, pour lui, son ancien nom était mort et enterré le jour où il était monté sur son premier bateau pirate, ce n’était pas vraiment le sien mais bon… Il n’avait toujours de bateau d’ailleurs. Ceci ramena à son esprit ce problème. Quel bateau pourrait-il prendre ? Son regard parcouru le port. Il y avait toujours une foule de monde aussi s’approcha-t-il des navires. Il se promenait entre eux, Eli a sa suite puis après être passé devant chaque bâtiment, il se tourna et repartit vers la foule. Eli ne devait pas comprendre ce qu’il se passait dans la tête du Capitaine Kian. En réalité, il n’avait pas trouvé de bateau à son gout, parce qu’en plus de ne pas en avoir il était difficile et avait décidé qu’il chercherait demain, ou un autre jour, pour voir ce qu’il trouverait.

Finalement, il daigna lui expliquer ce qu’il se passait. Son sourire réapparut alors qu’il s’était éteint pendant l’observation des navires en raison de sa concentration « intense ». Il avait dû sembler à sa camarade qu’il ne faisait que jeter un bref coup d’œil dessus, ce qui n’était pas totalement faux. Il regardait juste certains points du bâtiment et si ces points là ne lui plaisaient pas, il regardait le suivant. Et visiblement, aucun navire n’avait ce qu’il désirait. Bref, il se tourna donc vers Eli en posant la main sur son épaule. Il était toujours torse nu et les regards se posaient sur lui avec plus ou moins de discrétion. Ce n’était pas pour autant si surprenant de voir un homme torse nu au port surtout lorsqu’il faisait chaud.

« Bon…Eli, nos chemins vont se séparer ici à nouveau, au plaisir de te recroiser bientôt »

Sa main se retira et il lui fit un au revoir digne de son nom, en baissant même son chapeau puis avec une de ses surprises habituelles, il sauta à l’arrière d’un chariot de paille qui passait. Il faisait « coucou » de la main à Eli qui s’éloignait au fur et à mesure de sa vue. Il se savait pas quand il la reverrait mais il avait hâte de la revoir bien que pour l’instant son attention soit concentrée sur des brins de paille qui lui grattaient et chatouillaient le dos. Il ne resta pas longtemps sur ce chariot, juste le temps d’être hors de portée de sa vue, puis il partit dans une petite ruelle et après une petite escalade, attrapa une chemise accrochée à un fil de linge entre les maisons. Il se fit presque assommer, voire tuer d’ailleurs, par une femme qui du haut de sa fenêtre lui lança un pot de fleur ! Il se tourna vers elle, l’air choqué :

« Mais enfin, Madame ! Vous auriez pu me tuer ! »

Une série d’insulte lui répondit et il disparut plus au fond de la ruelle, la chemise sur le dos. Elle était légèrement trop grande mais un pirate ne portait pas du sur-mesure.

Il ouvrit une porte et entra dans la demeure. Qui y vivait ? Qui allait-il voir ? Que faisait-il là ? Tout ceci fait parti du mystère du Capitaine Kian…

The End

» Les Rps du Capitaine Kian