Toutes les rencontres ne peuvent pas être bonnes [PV Eli]

Elizabeth était d'humeur morose ce matin-là. Et cela pouvait se lire sur son visage. Le regard sombre, la bouche pincée et les sourcils froncés, quiconque pouvait comprendre qu'elle n'était pas d'humeur à papoter. D'ailleurs, tout le monde l'avait bien compris et personne ne venait la déranger. Assise seule à une table de la taverne du tricorne, elle gardait les yeux figés sur une seule et unique personne, sans ciller. Cette personne ? La cause de sa mauvaise humeur, celle qu'elle ne connaissait pas et qu'elle n'avait même jamais rencontré. Une jeune femme belle et, d'après les notes de musiques qui s'échappaient de son piano, talentueuse. Oui, Eli ne la connaissait pas et pourtant, elle éprouvait déjà une haine sans pareille à son égard. Pourquoi ? Tout simplement parce qu'elle l'avait vu en compagnie de Kian la veille au soir, en train de papoter gaiement à la faible lueur des bougies de l'endroit. Elle avait remarqué le regard qu'elle avait posé sur son capitaine, elle avait pu voir le sourire qui avait illuminé le visage de la demoiselle lorsqu'elle parlait à Matthew. Et, pour ne rien arranger, le pirate s'était empressé de lui parler de sa nouvelle et captivante rencontre ; Romane par-ci, Romane par-là, cela avait duré toute la soirée. Or, pas une seule seconde il ne se doutait de la jalousie maladive qui s'était emparée de la jeune Quinn ; pas un instant il n'imaginait cette folie destructrice qui l'habitait quand cette image de l'inconnue dans les bras de Kian lui venait à l'esprit. Non, il n'avait pas la moindre idée. Car oui, Elizabeth s'était maintenant rendue à l'évidence. Elle savait à présent ce qu'elle ressentait pour son capitaine. Elle aimait Kian. Cette passion qui l'envahissait quand elle le voyait, ce désir qu'elle ressentait dès qu'il posait les yeux sur elle, ce ne pouvait être de la simple amitié. C'était plus, bien plus. Et elle ! Cette fille aux yeux bleus... Elle semblait s'être accrochée au pirate tel un morceau de métal à un aimant. Ô vision insoutenable.

N'y tenant plus, Elizabeth se leva soudainement et s'approcha lentement du piano d'où s'échappait une légère et joyeuse mélodie. Tout en avançant vers sa "victime", Eli s'obligea à reprendre contenance. Seul Matt connaissait son secret et elle ne voulait en aucun cas que quiconque d'autre l'apprenne. Il s'agissait donc de ne pas dévoiler sa véritable nature à cette jeune femme. Elle allait devoir jouer finement. Son plan ? Quinn voulait que Romane la craigne assez pour ne plus oser s'approcher d'elle. Ensuite, il ne lui resterait plus qu'à passer le plus clair de son temps avec Matthew. L'inconnue aux yeux bleus resterait ainsi à l'écart. Du moins, c'était ce qu'elle espérait. Mais Elizabeth ignorait qu'elle s'attaquait là à un gros gibier. Elle s'était arrêtée aux apparences et s'était sans doute une terrible erreur. Quinn arriva bientôt aux côtés de la jeune femme. Malgré la colère qui lui brûlait les entrailles, elle était calme et affichait un air serein. Là, elle s'adossa contre le mur et posa sur Romane un regard mauvais qui ne pouvait tromper personne. La haine pouvait se lire dans ses yeux. Pourtant, le reste de son corps restait imperturbable. Sans quitter sa victime des yeux, Elizabeth sortit un petit poignard de sa poche et se mit à jouer nonchalamment avec. Puis, en affichant un sourire carnassier, elle s'adressa enfin à celle qui, sans le savoir, avait éveillé sa jalousie.

- Tiens tiens tiens ! Cette chère Romane...

En prononçant son nom, Elizabeth saisit vivement le poignard par la garde et, d'un geste sec, elle le planta violemment et profondément dans le bois de la table qui se trouvait juste à sa gauche. L'objet transperça le bois de chêne avec un bruit sourd. Reportant toute son attention sur Romane, Eli poursuivi son petit numéro d'intimidation.

- Nous n'avons pas été présenté, je crois. Je suis Eli Quinn, bras droit de notre ami commun. D'après ce que j'ai pu comprendre, tu l'as rencontré hier soir et j'aimerais beaucoup savoir ce qu'il t'as promis pour que cette joie sans pareille illumine tes yeux.

Le rictus mauvais s'élargi sur les lèvres d'Elizabeth. Elle n'avait aucune idée de la façon dont Romane allait réagir. Cependant, elle jouait son rôle à fond.

Elle n'était ni Elizabeth qui aimait secrètement son pirate de capitaine ; ni Eli, le domestique avide de gloire que Kian avait choisi pour être à ses côtés... Non, elle était un mélange des deux. Un mélange qui se révélait encore plus dangereux qu'une simple Elizabeth possessive et emprunte de jalousie. De plus, son secret découvert par Matthew et la joie qu'elle avait ressentit à recouvrer sa féminité, décuplait sa rage et sa hargne envers tout ce qui n'allait pas dans son sens.

- Car vois-tu, en tant que bras-droit de Kian... Il me serait bien douloureux d'apprendre que mon capitaine me fait des cachotteries. Surtout si cela implique une femme. Les femmes sont dangereuses pour mes affaires, elles sont imprévisibles et impulsives. Elles aiment garder le contrôle et détestent qu'on se mette sur leur chemin. Eli marqua un instant de silence après ces paroles lourdes de sous-entendus. Puis elle repris. Et je dois aussi te prévenir. Quoique Kian t'ai promis, il ne tiendra pas sa promesse. C'est un menteur de la pure espèce. Un pirate !

Eli se délecta de la peur qu'elle lu dans les yeux de Romane. Il n'était pas dans les habitudes de la jeune Quinn de se conduire de la sorte. Habituellement, elle restait distante avec les étrangers et ne faisait jamais le premier pas ; et ce, qu'il s'agisse d'Eli ou d'Elizabeth. De plus, elle cherchait rarement querelle, préférant éviter toute dispute. Oui, habituellement, Elizabeth donnait plutôt l'impression d'être un glaçon monté sur de longues jambes et doté d'une langue bien mal pendue. Mais la jalousie qui l'habitait la poussait à agir avec vice et même cruauté ! Elle était prête à quasiment tout pour éloigner celle qu'elle considérait comme sa rivale de son cher et tendre. Serait-elle même prête à tuer ? A cet instant, elle s'en croyait capable. Un nouveau sourire carnassier s'étala sur les lèvres de Quinn quand elle entendit les fausses notes de Romane. Il lui avait suffit d'envoyer une lame s'enfoncer dans une table pour l'intimider. C'était parfait et facile. Trop facile. Tout en parlant, la jeune femme alla s'asseoir sur cette même table. De ce fait, elle dominait sa rivale de deux bonnes têtes ; de quoi accentuer ses propos... Bientôt, Romane parla et Elizabeth décela une marque d'hésitation dans sa voix. Elle cherchait à se convaincre que Matt était un homme de parole et de confiance. Eli patienta quelques secondes, se doutant que Romane reprendrait bientôt la parole pour tenter d'endormir les doutes qu'elle avait réussi à faire naître dans son esprit. Oui, Quinn savait exactement sur quel plan elle allait jouer. Il existait une grande différence entre Romane et elle. Elle, elle connaissait Matthew. Elle le côtoyait depuis presque un an ; elle le voyait presque tous les jours depuis un an. Et même s'il restait un homme mystérieux, elle savait infiniment plus de choses à son sujet que Romane. Celle-ci ne le connaissait que depuis quelques heures ; Eli possédait donc là un avantage certain.

Quinn pouvait à présent voir les doigts de Romane s'emmêler ; les dernières notes du morceau sortirent du piano sans la moindre harmonie. La demoiselle se leva soudain et parla sèchement tout en assassinant Elizabeth des yeux. Si Eli sortait facilement de ses gongs, la brunette perdait son sang-froid encore plus rapidement et réagissait très mal à la pression. Très vite, le tavernier intervint et ordonna à Romane de terminer sagement son travail. Ordre auquel la jeune femme se soumis sans un mot. Parfait, Quinn allait pouvoir torturer sa victime pendant quelques minutes encore. La jeune femme croisa les bras et resta silencieuse pendant plusieurs secondes, savourant cet instant pendant lequel elle allait pouvoir torturer l'esprit de Romane. Tranquillement, sûrement, cruellement.

- Le critiquer ? Elizabeth éclata de rire. Voyez-vous ça ! Crois-tu réellement que Kian m'en voudrait s'il m'entendait le traiter de menteur ? Allons, c'est un pirate ! Pour lui c'est un compliment ! Toute sa vie se résume aux mensonges, à l'escroquerie et au vol ! Et il en est fier. C'est l'essence même de la piraterie, ma belle ! Nous sommes nés pour ça et nous mourrons pour ça. Alors s'il te plaît, ne le pense pas honnête, c'est la pire insulte que tu puisses lui faire.

Eli afficha un rictus. Jamais elle n'aurait imaginé prendre un tel plaisir à démanteler les convictions de cette jeune femme. Elle s'empara une nouvelle fois du poignard et commença à effleurer la lame de ses longs doigts tout en posant sur sa victime un regard cruel. Romane devait sans aucun doute se demander comment un homme tel que Matthew pouvait avoir choisi quelqu'un comme Eli comme bras droit. Eli qui n'était pas vraiment Eli à ce moment précis. Enfin si. Mais non... Enfin bref, vous m'avez compris ! Quinn se pencha légèrement en avant, tout en essayant de conserver une position de domination.

- Alors dis-moi. Comment un homme de la trempe de Kian peut-il bien s'intéresser à une petite pianiste de taverne telle que toi ? Réfléchis un peu. Qu'est-ce qui peut bien l'intéresser chez toi ? Allons, je suis sûr que même même avec ta naïveté tu peux deviner...

Eli ajouta une touche de mépris au ton malsain de sa voix. Elle se redressa et attendit patiemment de voir Romane se décomposer sous ses yeux, prête à savourer sa victoire. Ses paroles donnaient l'impression d'un ami essayant de convaincre la jeune femme de ne pas faire une terrible erreur en faisant confiance au pirate. Pourtant, il suffisait de remarquer le regard mauvais de Quinn pour comprendre que ses intentions étaient toutes autres.

Romane semblait très concentrée par son travail et par les touches de son clavier. Sans doute essayait-elle d'ignorer les paroles d'Eli. Cependant, cette dernière savait qu'elle l'écoutait. Si vraiment elle était intéressée par Matthew, alors elle entendrait chaque mot le concernant. Que les dits soient flatteurs ou non, elle les enregistrerait tous et les analyserait. Aussi, Elizabeth poursuivit tranquillement sa torture psychologique quand enfin, la brunette termina son morceau et leva les yeux sur elle. Là, elle réagit totalement à l'opposé de ce que Quinn avait pu imaginer. Elle s'attendait à ce que Romane fasse profil bas face au regard haineux qu'elle lui réservait. Pourtant, la demoiselle sauta à la gorge d'Eli et se montra très agressive. Une réaction que quiconque ne s'appelant pas Elizabeth aurait très bien compris. Cette dernière en revanche, sentit la colère se dresser en elle tel un serpent sous la véracité des propos prononcés par sa rivale. Elle ne pouvait ouvertement le reconnaître sans se trahir, mais oui, elle était jalouse. Et pas qu'un peu ! Si jalouse qu'elle rêvait de réduire Romane en boullie et l'offrir aux chiens de la famille chez laquelle elle travaillait. Une image très plaisante à l'esprit de Quinn. De plus, la petite brune osait prétendre qu'elle considérait le capitaine uniquement comme son ami. C'était là le summum de l'hypocrisie aux yeux d'Eli. La main de la jeune pirate se crispa violemment sur le poignard. Elle devait garder le contrôle et ne pas se laisser emporter par sa rage. Elle ne savait ce qu'elle était capable de faire si elle laissait parler ses pulsions. La passion qui l'habitait décuplait ses pires défauts : son impulsivité et sa possessivité. Elle considérait Kian comme sa propriété et ne pouvait permettre ne serait-ce que Romane prononce son nom. Le nom de celle qu'elle aimait dans la bouche de cette... Femme. C'était insoutenable. Si la demoiselle s'en était tenu à ces quelques mots, peut-être qu'Elizabeth aurait pu se contenir. Mais non, elle en rajouta une couche et se permit de l'envoyer paître. C'était la goutte qui fit déborder le vase. Depuis que Matthew avait découvert son secret, Elizabeth reprenait peu à peu les droits dont le personnage d'Eli l'avait privé. La suprématie de sa masculinité était terminée et Elizabeth donnait à présent libre court à ses sentiments.

Ainsi, n'y tenant plus, Elizabeth se leva brusquement. La table sur laquelle elle était assise une demi-seconde plus tôt bascula vers l'arrière et heurta le sol dans un bruit sourd. Eli, dans un geste de rage, planta profondément son poignard dans le pauvre piano qui n'était que témoin de la scène. Puis, aveuglée par la jalousie, Quinn se jeta sur Romane et la plaqua au mur, une main sur sa gorge. Son visage à quelques centimètres de celui de sa rivale, elle fulminait de colère. Le serpent à l'intérieur de son corps sifflait méchamment, menaçant de mordre à tout moment. Les doigts d'Elizabeth se refermaient peu à peu sur le cou de Romane tandis que ses yeux lui crachaient toute sa jalousie au visage. Aux yeux de la brunette, rien ne devait expliquer la réaction de la jeune pirate. Elle était sensée être le second de Kian et non pas une jeune femme dévorée par la passion. Cela, Elizabeth l'avait momentanément oublié. Autour des deux protagonistes, tout le monde avait cessé de boire et de manger et observait l'altercation. Le tavernier avait jeté son torchon et s'approchait de l'endroit du conflit, l'air mécontent.

- Toi ! Tu la lâches et tu sors !

Elizabeth quitta un instant sa rivale des yeux et fusilla le tavernier du regard. S'emparant de son épée, elle la pointa en direction de l'homme et lui jeta avec mépris.

- Toi, tu me laisses régler mes affaires et tu me fous le camp !

L'homme n'obéit pas à l'ordre qu'on lui donnait sous son propre toit, mais n'osa aucun geste en direction d'Eli. Cette dernière, après un second regard mauvais au tavernier, reporta toute son attention sur Romane. Elle était consciente que celle-ci devait à présent se poser bien des questions et peut-être même se méprendre sur les intentions d'Eli vis-à-vis de Matthew. Qu'à cela ne tienne, elle devait éloigner cette harpie de son capitaine une bonne fois pour toute. Tout en essayant de contrôler la pression de sa main sur la gorge de sa victime, elle susurra entre ses dents ; sa voix n'était qu'un murmure que seule Romane pouvait entendre.

- Ecoute-moi bien toi. Ne t'avise plus jamais de me parler de la sorte. Dis-toi bien que je n'hésiterai pas une seule seconde à te tuer s'il t'arrivais encore une fois de faire du zèle en ma présence. Les petites traînées dans ton genre, je les connais bien. Kian se les trimballe à longueur de journées. Ou plutôt à longueur de nuits ! Et ses histoires de jambes en l'air nuisent sérieusement à mes affaires. Alors reste bien loin de ce pirate ou je te garantis que tu n'auras plus longtemps à vivre.

Alors qu'elle parlait, Elizabeth ne se rendait pas compte que ses doigts se resserraient peu à peu sur le cou de Romane. Il n'avait jamais été dans ses intentions de lui faire le moindre mal, mais cela faisait déjà plusieurs minutes qu'elle n'était plus maîtresse de ses actes et que le serpent dissimuler en elle guidait ses pas.

Le corps entier d'Elizabeth brûlait de colère. Pourtant, alors que ses mains s'agrippaient à la gorge de la jeune Romane, un étrange sentiment d'euphorie mêlé à une certaine satisfaction l'envahi. Elle tenait une vie entre ses mains ; elle avait le droit de vie ou de mort sur cette demoiselle. Eli pouvait sentir son sang couler dans ses veines. C'était si simple. Elle desserrait ses doigts et la jeune femme vivait. Elle resserrait encore un peu plus sn étreinte et privait Romane d'une longue et paisible existence. Animée par la jalousie, la seconde option lui semblait tout à fait alléchante. Se débarrasser de cette gourde qui avait osé poser les yeux sur son capitaine était une alternative des plus confortables. Vivifiée par ces sombres pensées, la pression des mains sur la gorge de Romane s'accentua un peu plus.

- Qu'est-ce qui m'empêche de te crever maintenant d'ailleurs ? Sans toi, mes ennuis s'envoleront. Et qui te regrettera ?

Un voile de folie étira les lèvres d'Elizabeth en un rictus dément. Romane se cramponnait malheureusement à ses mains. Comme si cela pouvait changer quoique ce soit. A mesure que les secondes passaient, Eli sentait la force quitter les mains de sa rivale. Bientôt, elle n'aurait plus la moindre parcelle d'oxygène dans les poumons. Bientôt, tout serait terminé. La jeune femme s'effondrerait là, aux côtés de son cher piano, l'oeuvre de sa vie. On se souviendrait d'elle comme la musicienne qui égayait cette pauvre taverne. Elle seule était capable, grâce à sa musique, de rendre cet endroit attrayant, vivable. Aucun doute qu'elle possédait un sacré talent. Tout ça pourquoi ? Pour finir étranglée par une aristocrate en plein déni, aveuglé par la passion. C'était stupide, c'était inutile. A quoi sert la musique si la vie nous est retirée trop tôt ? Mieux vaut savoir se battre et défendre sa pauvre existence. Pendant une fraction de seconde, Elizabeth retrouva toute sa lucidité. Mais qu'était-elle en train de faire ? Etait-elle en train de tuer ? Non, ce n'était pas ce qu'elle avait prévu au départ. Comment en était-elle arrivée là ? C'était sa faute, à elle ! Elle l'avait provoqué. Elle méritait ce qui lui arrivait. Si elle l'avait écouté, jamais elle ne serait retrouvée plaquée contre un mur à deux doigts de la mort. Soudain consciente de ses gestes, les doigts de la jeune pirate se desserrent instantanément. Puis elle s'écroula.

Le néant. Elizabeth ne pensait plus, ne voyait plus, n'entendait plus. Le monde semblait s'être arrêté de tourner. L'obscurité envahissait son esprit. Plus rien ne comptait. A vrai dire, elle se croyait morte. C'était donc ça la mort ? Elle s'abattait ainsi, sans prévenir ? La mort était donc indolore ? Elle ne pouvait y croire. Il devait s'agir d'autre chose. Pourquoi ne pouvait-elle pas bouger ? Pourquoi tout était noir ? Les ténèbres s'étaient-ils abattu sur toute la ville ou seulement sur elle ? Et ces éclats de voix si lointains, d'où venaient-ils ? Peu à peu, Eli reprenait conscience de la réalité. Les rires, les débris de verre, le sang qui coulait le long de sa nuque et surtout, le sol glacial. Pourquoi était-elle à terre ? Que lui était-il arrivé ? Le dieux du ciel l'avaient-ils foudroyé sur place ? Cette brunette qu'elle avait essayé de tuer était-elle leur protégée ? La jeune femme essaya d'ouvrir les yeux. Lorsqu'elle y parvint, elle regretta aussitôt. La lumière l'aveugla, lui transperçant les pupilles, lui grillant la cervelle. Eli se mordit la lèvre inférieure, sentant les larmes lui monter aux yeux sous la douleur. Pendant plusieurs minutes, elle resta là, immobile. Il y avait du mouvement autour d'elle, mais la souffrance fut plus forte que la curiosité. Elle ne chercha donc pas à en savoir plus. Petit à petit, les derniers événements lui revinrent en tête et elle réussi à faire le lien entre son état actuel et les éclats de verre qui l'entouraient. Qui donc avait bien pu oser lever la main sur elle et lui exploser une bouteille sur le crâne ? Cela, elle le découvrirait en temps voulu. Pour le moment, elle devait essayer de se redresser. Ainsi allongée, elle était plus que vulnérable. Et Romane ? Qu'attendait-elle pour se venger et l'embrocher sur place ? Vraiment, plus le puzzle se reconstruisait dans l'esprit d'Elizabeth, moins elle comprenait.

Enfin, après de longues minutes, Quinn réussi à ouvrir les yeux sans que la douleur ne lui transperce les entrailles. Sa tête baignait dans une mare de sang. Son sang. La peur passée, un doux sentiment de colère regagna ses tripes. Le responsable de sa situation payerait cher son audace, elle s'en fit la promesse. Lentement, soucieuse de ne pas brusquer son pauvre corps blessé, Eli se redressa. Elle sentit une dizaine de regards fondre sur elle tel un nid de guêpes en furi. A sa droite, Romane reposait elle aussi inanimée. Que s'était-il bien passé ? Peu importait. La jeune pirate se trouvait là dans une bien dangereuse situation. Elle pouvait lire la colère et la haine sur beaucoup de visages. Sans doute lui fallait-il quitter les lieux en toute hâte. La jeune femme s'empara de son épée que ces idiots n'avaient même pas jugé bon de confisquer, puis se hissa difficilement sur ses deux jambes. Elle tituba. Sa tête pesait des tonnes. Sa tête oui... Qui donc lui avait infligé cette blessure ? Elle ne partirait pas sans avoir le nom du coupable. Lentement, elle détailla chacun des visages présents. Ses yeux se posèrent à nouveau sur Romane. Pourquoi personne ne l'aidait ? Une idée illumina l'esprit bien embrouillé de la jeune Quinn.

Celle-ci s'approcha doucement de son ex victime, s'empara d'une cruche d'eau qui traînait par là au passage et s'accroupis auprès de la brunette. Puis, sans cérémonie, elle lui envoya le contenu de la cruche au visage, espérant l'aider à reprendre connaissance...