La corde au cou -- Ed & Matt

Le froid. Elizabeth ne pu sentir qu'une pointe glaciale pénétrer le bas de son dos, puis, plus rien. Le néant s'abattit brutalement sur elle tandis qu'une douleur fulgurante lui traversait le corps entier. C'était donc ça la mort ? Un immense trou noir accompagné de la pire souffrance qui existe ? Eli aurait voulu crier, hurler, pleurer, mais rien ne se produisit. Il lui semblait que son corps entier était pris dans la glace. Le moindre mouvement lui était devenu impossible. Quant à son esprit ? Il n'était plus que l'ombre de lui-même. Incapable de proférer le moindre son, incapable de penser, un épais brouillard enveloppait ses songes. Elle n'était plus qu'une carcasse sur laquelle les charognards ne tarderaient plus à s'acharner. Oui, il lui semblait que c'était bel et bien la fin. Elle ne faisait déjà plus partie de ce monde... Mais alors, comment pouvait-elle voir les ténèbres qui l'entouraient ? Comment pouvait-elle ressentir la douleur ? Comment pouvait-elle encore trouver la force de continuer ? Si vraiment son âme avait déserté son enveloppe charnelle, rien de tout cela ne serait possible ; elle le savait sans vraiment le savoir. Inconsciemment, la jeune femme lutta. Cette Eli qui était allée crier sur tous les toits de Kingston qu'elle ne craignait pas la Mort était en train de la supplier de la laisser vivre. Dans un combat acharné, elle priait la Dame Noire de lui laisser une chance de se venger, une chance de se battre dans un duel équitable contre l'homme qui était en train de la tuer. La Mort s'entêtait pourtant, refusant de laisser sa proie retourner à la vie, l'enfermant dans un tourbillon de peur et de douleur. La victoire reviendrait inévitablement à la plus entêtées de deux rivales...

Quand Eli s'éveilla, elle fut frappée par le calme qui l'entourait. Allongée sur le ventre, elle fut incapable de bouger. La douleur était toujours là, fidèle à son poste et la jeune Quinn sentit bientôt des larmes incontrôlables couler le long de ses joues. Elle était seule et de retour dans sa cellule. Si le froid lui avait paru insupportable tout au long de la semaine, elle avait maintenant l'impression de baigner dans un lac d'eau glacée. Comment pouvait-on vivre une telle souffrance ? La vie était-elle ce tyran vous empêchant de partir alors même que vous la supplier d'en finir ? Non... Elizabeth ne comprenait toujours pas à quel point elle tenait à la vie et refusait d'admettre qu'elle était la seule raison de sa présence dans ce monde. Si elle était encore là, c'était uniquement sa faute. Personne ne la punissait. Elle existait simplement parce qu'elle le désirait et possédait la volonté suffisante pour vivre. Et tôt ou tard, elle devrait bien admettre que son instinct de survie était semblable à tous les autres. La jeune femme mit longtemps avant de pouvoir esquisser un geste. Engourdie par le froid et la douleur, elle réussi finalement à se redresser pour se retrouver en position assise. Là, elle hésita avant de prendre son courage à deux mains. Passant délicatement la main dans le bas de son dos, ce qu'elle sentit lui retourna l'estomac. Cet immonde bâtard l'avait poignardé. Encore ! Grimaçant de douleur, Elizabeth avisa que la blessure était superficielle, même si elle pouvait y enfoncer son index jusqu'à la deuxième phalange. Prise de nausées, la jeune Quinn rampa jusque dans un coin de sa cellule, ramena ses genoux contre sa poitrine et se remit silencieusement à pleurer. Elle s'en rendait compte, Robin l'avait autant affaibli mentalement que physiquement. Et même si elle refusait de l'admettre, les faits étaient là. Cet homme avait déposé une petite graine en Eli (pas de mauvaises pensées, hein !). La graine de la vengeance. Et celle-ci avait déjà commencé à germer. Bien sûr, l'issu de sa revanche se trouvait quelque peu compromis vu son état et le fait qu'elle monterait à la potence dès le lendemain... Toutefois, s'il existait une chose que Robin n'était pas parvenu à lui prendre, c'était bien l'espoir. Cette lueur d'espoir qui persisterait tant que la corde ne lui aurait pas brisé la nuque.

Elizabeth s'éveilla, entendant le bruit caractéristique d'une clé que l'on tourne dans une serrure. Exténuée par ses pleurs et ses blessures, elle s'était de nouveau endormie. Jetant un bref coup d'oeil à l'unique fenêtre de sa prison, elle remarqua les discrets rayons de soleil d'une aube naissante. Son heure était venue. La jeune femme posa un regard résigné sur les deux soldats qui venaient de pénétrer sa cellule. N'ayant pas la force nécessaire pour une quelconque opposition, elle les suivrait sans faire d'histoire. Les gardes lui attachèrent consciencieusement les poings, puis l'aidèrent à se lever. Affrontant sa douleur, Elizabeth releva la tête et se mit à marcher fièrement. Non, elle n'offrirait pas à Robin le plaisir de la voir accablée par la souffrance. Ses derniers moments, elle les passerait dans les yeux de son ennemi. Il la verrait mourir la tête haute, la provocation dans le regard... Une détermination qu'une sombre pensée réussi à amoindrir. Matt... Matt ? Avait-il cherché à la retrouver ? Avait-il seulement remarqué sa disparition ? Le doute frappa la jeune femme avec force, anéantissant encore un peu plus ses forces qui se faisaient un peu plus faible à chaque pas. La lumière du jour l'aveugla bientôt, alors que le trio émergeait des profondeurs de la prison. Plissant les yeux, Eli mit quelques secondes avant d'apercevoir ce qui l'attendait...

Elle était là : la potence. Elizabeth ne pu détacher une seule seconde ses yeux de la corde qui pendait sagement dans le vide. Non, elle ne pu voir les soldats qui gardaient l'endroit, les manants qui s'étaient rassemblés pour l'occasion, ni-même le bourreau qui l'attendait patiemment... Très vite, la jeune femme se retrouva sur la potence, tandis qu'un homme masqué lui passait la corde au cou et serrait le nœud coulant sur sa nuque. Relevant la tête, les yeux d'Eli s'accrochèrent alors au visage d'un homme. Il était là ; pas très loin ; observant la scène... Quinn tua son ennemi du regard, alors que l'humiliation lui transperçait la chair. Incapable de soutenir le regard de Robin plus longtemps, elle baissa finalement les yeux et fixa la trappe située sous ses pieds, tandis que la nausée revenait se loger au creux de ses entrailles. Serrant les poings, elle s'empêcha de trembler. Cette peur, qui si longtemps lui avait été inconnu, la hantait à présent. Cet immonde petit aristocrate était sorti en vainqueur finalement...

Comment réussir à dormir ? Edward avait peut-être le sang de son premier cadavre sur les mains, comment voulez-vous qu’il arrive à trouver le sommeil ? Quel genre de rêve voulez-vous qu’il fasse pour le calmer et ainsi l’éviter de se repasser la scène en boucle dans son esprit ? Lui, allongé sur le sol, l’autre, l’étouffant de sa haine inébranlable. Lui, poignardant son adversaire, l’autre, tombant sous le coup. Edward n’avait même pas cherché à avoir des nouvelles de son prisonnier. Une grave erreur sans doute sachant qu’il n’y a rien de pire que l’ignorance. Etait-il mort ? Vivant ? Agonisant dans son cachot ? Peut-être était-il en train de rendre l’âme à la minute où Edward se posait toutes ces questions. Comment réussir à dormir avec ce type de raisonnement qui fait des va et vient dans votre tête ? Avait-il souffert ? Comment avait été sa vie ? Quel était ce fameux secret qui s’était entêté à rester caché dans son coffre fort ? Qui était Eli ? Plus Edward partait loin dans ses raisonnements, plus son rythme cardiaque s’accélérait jusqu’à le forcer à se lever, en sueur. En vérité, il était terrifié. S’il avait effectivement tué Eli, son fantôme viendrait-il le hanter ? (Essaierait-il de le violer ? HAHA) Chaque petit grincement dans la pièce, le moindre petit souffle, petit murmure du vent, en colère dehors, le faisait sursauter. Passant un peu d’eau fraiche sur son visage, il s’imposa la vue de son reflet à travers le miroir. Il devait se ressaisir. Edward avait déjà perdu la bataille face à Eli, il ne pouvait pas en plus la perdre contre sa folie ! Se raisonnant, il jeta la serviette qu’il venait d’utilisé sur le côté et s’installa à son bureau pour s’occuper l’esprit à des affaires qui auraient pu attendre le lever du jour.

Monsieur … ! Monsieur ! Monsieur ! Appela prudemment la femme de chambre.

D’un geste précis et concis, Edward releva brusquement la tête. Quelle heure était-il ? Que s’était-il passé ? Baissant le regard pour comprendre qu’il se reposait sur la paperasse de son bureau, un mal de crâne vint l’éclairer sur toute cette affaire. Epuisé mais insomniaque, il avait tout de même réussit à trouver un peu de repos dans son travail et cela fut fatal pour son manque de sommeil. Sans savoir à quel moment il avait perdu conscience, les yeux encore embrumés par ce réveil brutal, il lança à sa servante un regard aussi inquisiteur qu’accusateur. Cette dernière se mit alors à bafouiller.

Euuh … c’est votre oncle … il m’a dit de vous réveiller …

Mon oncle ? Depuis quand se mêlait-il de son cycle de sommeil ? C’est là que le bon branchement se fit dans son cerveau. L’exécution ! Quelle heure était-il bon dieu ? Etait-il en retard ? Depuis combien de temps était-il dans cet état végétatif ? Edward tourna alors la tête dans un réflexe mimant l’instinct de survie et tenta de déchiffrer le langage codé de l’horloge. Il était l’heure. L’heure pour lui de se préparer et de faire honneur à son rendez-vous. Remettant avec hâte et efficacité son veston, Edward sortit de sa chambre pour aller retrouver le reste de la cour qui était invité pour cet évènement. 7 hommes et femmes allaient trouver la mort ce matin. 4 voleurs, 2 catins et un … pirate d’après le peu d’information que détenait ce registre. Ce condamné, ajouté à la dernière minute, surpris le gouverneur sans vraiment chercher à en savoir d’avantage. Tant mieux pour lui, cela lui éviterait d’être ridiculisé pour avoir gober un mensonge inventé de toute pièce par son neveu. Montant dans le fiacre, Edward fut obligé de faire la conversation à ses compères comme si il s’agissait d’une matinée comme une autre. Or, c’était loin d’être le cas. Edward donnait l’impression d’être à son habitude mais en réalité, il était préoccupé. Qu’allait-il trouver en sortant de son fiacre ? Un homme vivant ses derniers instants sur terre ou un fantôme profitant de son éternité ? Ses cauchemars venaient le hanter jusque dans son esprit éveillé.

Arrivé à quelques pas de leur destination, Edward descendit, abandonnant ses amis. Aurait-il eut peur ? Se défilerait-il devant son œuvre ? En réalité, il suffisait de voir son accoutrement pour comprendre qu’il n’en était rien. Tel un paysan, Edward était négligé et semblait sans un sou. Ce n’était pas Edward qui avait l’intention de regarder Eli mourir mais Robin. Il avait demandé, comme à chaque exécution, que l’on le laisse descendre un peu avant pour ne pas trahir son anonymat parmi le peuple. C’est pourquoi, frais comme un gardon, il s’avança vers la place et admira l’estrade qui symbolisait la scène d’une dernière représentation. Tout était comme à son habitude. Aucun mauvais sort n’avait été lancé et le temps n’était pas particulièrement meurtrier. Vous savez comme ils pouvaient être superstitieux à cette époque … Se fondant dans la masse, il fixa son regard sur la porte de la prison.

Du calme Edward, tu as encore 6 personnes à voir mourir sous tes yeux avant de mettre fin à ton supplice et de voir si oui ou non, tu l’as tué !

La tête ailleurs, le cœur absent de la fête, Edward laissa défiler les 6 premiers accusés sans chercher à remplir son rôle à la perfection en les souillant de nourriture. Des pendaisons, il en avait déjà vu et à la pelle. L’excitation des premiers cadavres l’avait vite quitté et une sorte de lassitude avait prit sa place. Seul lui importait Eli. Allait-il enfin se montrer oui ou non ?! C’est là que les portes s’ouvrirent. Enfin les gardes amenèrent le dernier condamné. Edward écarquilla grand les yeux. Il était là, juste sous ses yeux. Blessé, faible, pâle certes, mais bien en vie ! Edward ne l’avait pas tué et cette nuit à ne faire que ruminer n’aurait été qu’un énorme gâchis. Dépendant d’un soutien pour marcher, découvrant son lit de mort, il défilait jusqu’à retrouver la corde qui serait sa destination final. Edward ne put effacer ce sourire de soulagement. Ca y était. Il avait d’abord finit par faire taire ses voix dans sa tête qui le traiter d’assassin mais en plus, il était sur le point d’en finir avec cette histoire de secret introuvable. D’un regard d’enfant, émerveillé, il scruta Eli monter les marches vers son bourreau. Celui-ci, sans perdre plus de temps, passa la corde sous le cou de son dernier gagne-pain. Il ne lui manquait plus qu’un signal et s’en était finit de ce valet prétentieux et effronté. Quelque part, Edward ressentait presque la nostalgie d’une fin qui concluait une histoire. C’était la dernière fois qu’il voyait Eli. Leurs regards se croisèrent, l’un menaçant, l’autre souriant. Etait-ce vraiment un adieu digne de ce nom ? Le cœur d’Edward se fit sentir de manière plus rapide et plus forte. 3-2-1. BOUM. Le signal avait été donné et la trappe avait été ouverte. S’en était finit d’Eli.

Depuis quelques jours, Matt n’était plus au top de sa forme, ou du moins au top de sa bonne humeur, bien qu’il le cache habilement. Quelque chose le chiffonnait… Il avait comme un mauvais pressentiment. Son instinct lui disait que quelque chose n’allait pas. Pas du tout même mais il ne pouvait mettre le doigt dessus et ca l’ennuyait profondément pour rester poli.
Il lui fallut tout de même un ou deux jours en plus pour comprendre ce qui le tracassait : il n’avait pas vu Eli depuis un moment. Il ne l’avait pas même aperçue. C’était étrange, elle qui restait si souvent avec lui… Kingston était grand mais tout de même. Si elle voulait le voir, elle savait où le trouver. Un petit tour des bars dans la soirée et c’était bon pour trouver le capitaine, surtout que Matthew était allé boire, draguer aussi certes, plusieurs fois.

Décidé à ne pas se laisser abattre, la meilleure chose à faire, selon lui, était de suivre son instinct et il chercha donc à trouver Eli. Ce ne fut pas chose aisée, loin de là… Tout le monde affirmait ne l’avoir pas vu depuis quelques temps. Elle semblait s’être envolée. Chose fausse bien sur, il y avait toujours quelqu’un au courant de quelque chose…

D’un point de vue extérieur, il devait sembler comme d’habitude mais au fond, il était inquiet… très inquiet même. Il dormait moins la nuit et se réveillait parfois en sursaut et en sueur, après un cauchemar… Ca n’annonçait rien de bon, il le savait. Ca ne lui était jamais arrivé avant, ou presque, et la dernière fois que ça lui était arrivé, son instinct ne l’avait pas trompé.

Il finit tout de même par savoir où elle était, ou plutôt où elle allait être : au bout d’une corde. Que pouvait-elle avoir bien fait qui mérite un tel châtiment ? Il connaissait son caractère, pas tout bien sur, mais il ne la pensait pas capable de faire quelque chose contre la loi qui mériterait la peine capitale quoiqu’elle était bien capable de chercher un haut placé un peu trop et de finir avec des ennuis jusqu’au cou !
Enfin, maintenant qu’il savait où elle était, il était plus rassuré. Il n’avait plus qu’à préparer son coup pour la sauver ! Ce qu’il fit évidemment. Il fit appel aux pirates qu’il connaissait et en qui il avait confiance, autant en la personne qu’en leur talent à l’épée. S’ils ne savaient pas se battre au moins au point de rivaliser avec Matthew, il ne les pensait pas capable d’être d’une grande utilité contre une éventuelle, fort probable d’ailleurs, attaque des hommes du gouverneur, ou plutôt contre-attaque.

Le jour était venu. Tranquillement, le capitaine offrait les meilleurs soins qu’il le pouvait à son épée. Elle était ce qui lui permettrait de réussir le sauvetage. Bien sur, il aurait aussi besoin de toute son imagination. Il était sur que rien ne se passerait comme prévu du coup… il n’avait rien prévu. Il se savait meilleur pour improviser que pour manigancer un plan machiavélique. Son beau tricorne sur le crâne, il se dirigea vers le lieu de pendaison. Ces informateurs lui avaient dit qu’Eli passait en dernier. La septième personne à être pendue. Il ne tenait pas à voir les autres mourir. Il ne prenait aucun plaisir à cela mais il préférait jouer la prudence aussi fut-il sur place, un peu à l’écart dès le premier condamné. A chaque fois que la trappe s’ouvrit, pour les six fois, il murmura :

« Paix à son âme. »

En touchant du bout des doigts son chapeau. Eli fit enfin son entrée en scène. En la voyant Matt sentit que son mauvais pressentiment avait été juste. Elle semblait faible et ses traits paraissaient bien plus…féminins, étrangement. Surement parce qu’il connaissait sa véritable identité. La tête haute, il la voyait avancer vers ce qui serait, s’il ratait son sauvetage, son lieu de mort. Matt avançait aussi, doucement, la tête baissée pour qu’elle ne le remarque pas. Il ne tenait pas à se qu’elle le fixe ou l’on pourrait s’intéresser à lui. Tout allait se passer vite, très vite. Il avait peu de temps. Il n’avait qu’un saut à faire et il se retrouvait en face d’elle. Sa main se posa sur la garde de son épée. C’était le signal. Les autres pirates étaient maintenant prévenus qu’il allait agir et qu’il aurait besoin de leur aide pour le couvrir.

Et, effectivement, tout se passa très vite. Le pirate sauta sur les planches et en même temps, dégaina sa lame qui vint couper avec souplesse la corde. Dans le même instant, la trappe s’ouvrit. Eli tomba sur le sol, n’étant plus retenue par rien. Matt s’occupa en vitesse du gros monsieur qui servait à mettre la corde autour du coup des condamnés, à l’aide d’un violent coup de pied sur le torse qui l’envoya valser sur le sol. Ceci fait, il sauta à coté d’Eli et posa deux doigts dans son cou. Il vérifiait qu’elle respirait encore. C’était le cas. Il était soulagé, par contre, elle semblait avoir perdue connaissance. Ca ce n’était pas une très bonne nouvelle bien que peu surprenante vu l’état dans lequel elle était et la chute qu’elle venait de subir.

En essayant de ne pas trop la secouer, il la mit sur son épaule, il y avait plus confortable comme position pour le passager mais le confortable n’était pas au premier plan. Le pratique l’était. Il pourrait la porter comme une princesse mais il ne pourrait plus se défendre un minimum avec son épée. Oui, il tenait toujours son épée dans sa main droite. Il savait où il devait se rendre. Il devait absolument au moins la cacher puis les éloigner de l’endroit où elle serait, sauf qu’il lui fallait atteindre la cachette et ça… c’était une autre affaire. Couper une corde, n’importe quel abruti en était capable. Réussir à sauver un condamné à la potence, ça corsait un peu la chose.

Le sourire en coin habituel du capitaine s’étira sur ses lèvres. Il aimait les défis et celui là lui plaisait particulièrement : ca allait être très dur, voir suicidaire…

Quand Elizabeth releva enfin les yeux pour les plonger une dernière fois dans celui qui la privait de sa vie, ce fut pour sentir la trappe s'ouvrir sous ses pieds. Ensuite, plus rien. La jeune femme sombra une nouvelle fois dans le néant. Un immense trou noir qui cette fois inhiba complètement sa douleur. C'était enfin fini. La jeune femme ne sentit pas la corde céder avant même qu'elle ne se tende sur sa nuque, ni même le sol qui frappa durement ses jambes affaiblies, ni les deux doigts qu'un homme posait presque tendrement contre sa carotide et encore moins qu'on la soulevait comme une fleur pour tenter de l'éloigner du lieu où elle avait bien failli trouver la mort... Bientôt pourtant, un son que Quinn connaissait très bien atteignit difficilement ses oreilles. Pendant longtemps, elle tenta de poser le doigt sur l'origine de ce bruit. En vain. Tous ses sens étaient embrouillés, comme perdus dans un brouillard profond que seul un seau d'eau glacé saurait lever. Bien qu'inconsciente, Elizabeth pouvait désormais se sentir ballotter de droite à gauche, tandis que la douleur se réveillait lentement dans sa cuisse et le bas de son dos. De nouveau, la lumière du jour perça cruellement ses paupières engourdies, l'incitant à ouvrir doucement les yeux. Plusieurs secondes passèrent, pendant lesquelles Eli se demanda où elle se trouvait, tentant désespérément de comprendre ce qui se passait autour d'elle. Les yeux entrouverts, elle restait immobile sur l'épaule d'un homme qui semblait bien occupé, son épée à la main. Un homme ? Soudain perspicace, la jeune femme comprit enfin. Matt. Son Matt. Rêvait-elle ? Était-ce cela la mort ? Un rêve sans fin dans lequel nos espoirs les plus fous et improbables se réalisent soudain avec toute la crédibilité du monde ? Bientôt convaincu de la réalité de la chose, Quinn s'offrit une longue minute pendant laquelle elle tenta de retrouver un maximum de force possible. Une minute durant laquelle elle resta consciencieusement immobile, soucieuse de ne pas gêner son pirate de capitaine dans ses gestes. Celui-ci, bien occupé, ne s'était même pas rendu compte de la soudaine conscience de celle qu'il tenait si facilement dans ses bras. Quant à elle ? Elle ne s'éternisa pas sur la montagne de sentiments qui l'envahi quand elle comprit qui était venu à son secours et se concentra sur la situation.

De toute évidence, Kian n'était pas seul. Pour une fois, il semblait s'être montré lucide et s'était entouré de plusieurs de ses amis les plus fidèles pour lui filer un petit coup de main. Chacun était occupé à défendre sa peau avec véhémence, avançant lentement dans la foule, tentant d'atteindre la sortie, la casi totalité des gardes présents sur les lieux sur le dos. La situation semblait précaire pour le petit groupe de pirates ; ces derniers étaient doués et se battaient si fièrement que l'issu du combat semblait tourner en leur faveur. Néanmoins, Elizabeth refusait d'être plus longtemps un fardeau pour l'épaule de son capitaine et un boulet pour ceux qui étaient venus lui sauver la vie. Ressemblant soudain sou courage, la jeune femme redressa. Matt... Souffla-t-elle simplement au creux de son oreille pour lui faire comprendre qu'elle s'était éveillée. Quand ses pieds retrouvèrent contact avec la terre ferme, Eli se sentit légèrement chanceler, mais s'interdit de s'effondrer à nouveau. Il y avait un temps pour la faiblesse et celui-ci n'était pas arrivé. Lançant un regard qui se voulait rassurant à l'homme qui risquait sa propre vie pour sauver la sienne, elle s'empara vivement d'une épée qu'un soldat avait abandonné sur le sol et, restant aux côtés de son sauveur, entreprit de l'aider à se débarrasser des deux gardes qui l'assaillaient. Inconsciemment, elle se prit à chercher son tortionnaire des yeux. Elle ne le trouva nulle part... Celui-ci avait probablement disparu parmi ceux qu'il essayait de faire passer pour ses semblables, parmi le bas-peuple qui se pressait désormais vers la sortie. Sans s'obstiner, Quinn se reconcentra sur le combat qui l'opposait à un soldat ; l'heure n'était pas encore à la vengeance. Le moment viendrait où elle pourrait s'occuper du cas de Robin, mais avant, elle devait tuer des gardes, sortirent du fort, gagner un endroit sûr et reprendre ces forces dont l'aristocrate l'avait privé tout en priant pour que l'infection n'ai pas déjà gagné ses blessures. Oui, le chemin de sa revanche serait long et difficile et pourtant, elle ne douta pas une seule seconde que celui-ci arriverait. Tôt ou tard. Chassant son désir de vengeance de son esprit, Elizabeth se concentra sur son épée qu'elle tenait plutôt difficilement. Elle ne serait certainement pas d'une grande aide pour Matthew, mais elle n'était au moins plus un fardeau pour celui-ci et son aisance au combat pu redoubler d'intensité. L'homme cherchait par tous les moyens d'épargner la moindre attaque difficile à sa protégée et cette dernière lui en fut très reconnaissante, sachant que la moindre brutalité la renverrait immédiatement à terre. Aussi, elle se contenta de couvrir les arrières de l'homme qu'elle aimait, se promettant silencieusement qu'elle ne laisserait pas la mort s'emparer de la vie du capitaine le plus surprenant qu'elle ai jamais rencontré.

Quelque chose ne tournait pas rond. Le sourire inscrit sur les lèvres d’Edward s’en voyait troublé. Le bourreau avait enfilé la corde autour du cou d’Eli, la trappe avait été ouverte, alors pourquoi notre aristocrate n’avait pas la douce sensation d’un travail terminé ? Peut-être avait-il été trop distrait car cela ne lui ressemblait pas de ne pas savoir tout ce qu’il se passait autour de lui. Comment se faisait-il qu’il n’avait pas vu ce nombre inhabituel de pirate se disperser dans la foule ? Comment avait-il pu rater cet homme marchant d’un pas particulièrement rapide vers l’estrade qui faisait office de scène ? S’il avait été à la hauteur de son intelligence, aurait-il été capable d’éviter ce retournement de situation ? Car oui, tous les plans avaient changé. Eli devait être mort à l’heure qu’il était et pourtant, il se retrouvait le dos d’un … pirate. Aucun doute, c’était bien un pirate, Edward commençait à avoir l’œil assez aiguisé pour reconnaitre les plus audacieux d’entre eux. Fronçant les sourcils, la peur commença petit à petit à ronger l’estomac de notre imposteur. Comment avait-il pu sauver son … ami, aussi facilement ? Ou se trouvait la garde ? En une fraction de seconde, Edward jeta un coup d’œil sur le spectacle qui se jouait autour de lui. A sa droite, 2 gardes s’occupaient d’un pirate, derrière lui, c’était du 3 contre 1. Il était comme encerclé. Bien sûr, une furieuse envie d’empoigner son épée et de sauter sur Eli pour finir les choses « proprement » lui traversa tout le corps jusqu’à lui provoquer un frisson. Le rythme cardiaque battant à vive allure, Edward menait un combat avec lui-même pour ne pas se soumettre à ses pulsions. Mais il n’était pas de ce genre là. Son esprit était bien trop malin et bien trop rusé pour commettre aussi facilement des erreurs digne de débutant. Bien sûr, face à Eli, il en avait fait des erreurs, mais depuis qu’il l’avait vu monter à la potence, il avait balayait d’un revers cette histoire et laissé au passé ce qui appartenait au passé. Cependant, une fois encore, Edward avait vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué et cette fameuse manie allait lui causé sa perte, ou du moins quelques cheveux blancs ( :O) si il ne cherchait pas à la corriger.

Tout se passa alors très rapidement. L’esprit d’Edward, aux aguets, était en alerte et fonctionnait comme il en avait l’habitude c’est-à-dire avec une dextérité et une efficacité qui n’étaient pas offertes à n’importe qui. Tel un caméléon, Edward ne quitta pas des yeux Eli, encore inconsciente à se moment là, tout en se cachant derrière la populace encore sous le choc du final théâtral. Comment faire pour l’atteindre sans être vu ? Tant qu’Eli gardait les yeux fermés, une approche était encore possible et la rapidité lui permettrait de tuer sans être tué. C’est pourquoi, de manière vicieuse, Edward s’approcha tout doucement du nouveau couple tout en jouant avec le mouvement de la foule. Personne ne devait le voir. Il avait un œil sur chacun tout en étant invisible. C’est alors qu’Eli ouvra les yeux. Edward se stoppa net. Il n’était qu’à quelques pas de lui, un peu sur la diagonal. S’il levait, ne serait-ce qu’un tout petit peu les yeux, le face à face serait inévitable. Heureusement pour notre pauvre à la richesse abondante, ceci n’arriva pas, Eli était trop occupé à retrouver ses esprits et à comprendre qui le portait. Déçu, sentant la haine et le besoin de vengeance prendre peu à peu le contrôle de son corps, Edward regarda le duo avec rancœur. Hors de question de s’enfuir. Il fallait se montrer malin. Voyons ce que nous avons là. Une équipe de 2 pirates au Nord, une de 3 à l’est et une nouvelle de 2 à l’ouest. Si ces perturbateurs étaient intelligents et espéraient avoir une chance s’en sortir, alors chacun prendrait des sorties de secours différentes. Si, par soucis de rapidité, chacun prenait la sortie qui lui était le plus proche, Eli prendrait donc la route qui le mènerait vers le Sud. Connaissant ses lieux comme sa poche, Edward savait exactement comment intercepter ses traites à la justice, ces hors la loi, pour enfin savourer sa douce vengeance. Cependant, tout n’était pas rose. Tous les gardes étaient accaparés par les alliés d’Eli et aller leur demander du renfort lui couterait sans aucun doute son déguisement. Il allait donc devoir régler l’affaire par lui-même. Ayant été un des meilleurs escrimeurs de son école – de seulement 6 élèves par contre – Edward ne se faisait pas trop de soucis quand à battre le fer avec un vulgaire pirate. C’est pourquoi, à peine Eli avait posé ses pieds au sol, Edward s’évapora, vola une épée qu’il trouva sur le cadavre d’un de ses gardes et passa par une très étroite ruelle, très peu visible, situé au Sud-est et s’arrêta à un carrefour. Si ses calculs étaient exacts, il ne pourrait pas les rater. Déterminé, clamant une injustice qu’en réalité lui seul avait provoqué, il se mit en plein milieu de la rue et attendit les deux pieds plantés au sol. Il n’était pas du genre à suivre un plan sans en connaitre les risques et sans en connaitre vraiment la suite mais il s’accrochait à l’idée que c’était surtout pour retenir Eli avant que les gardes ne les rejoignent. Tout ce qu’il avait à faire, c’était de les empêcher de fuir.

Eli avait repris ses esprits, ce qui rassurait Matt et lui ôtait un poids, au sens propre, étant donné qu’elle était descendue de son épaule. Croisant le fer avec les gardes, le Capitaine s’amusait bien mais savait qu’il fallait mettre fin au jeu avant que des renforts n’arrivent. Il attrapa donc le poignet de l’ex-future pendue et désarmant le dernier garde restant se dirigea avec rapidité vers la sortie la plus proche.

La petite course fut vite stoppée. Un homme, seul, se tenait face à eux avec une épée en main. Matthew le jugea du regard. Ce gars semblait déterminé à les gêner et de plus, paraissait savoir tenir mieux une épée que les zozos qui servaient de gardes. Ca aurait été avec plaisir qu’il se serait battu contre lui mais… il devait mettre des priorités et pour l’instant, le sauvetage d’Eli était en haut de sa liste. Quelque chose gêna Matt. Il voyait bien que ce n’était pas lui que l’homme regardait mais bien Eli. Une haine puissant se faisait sentir, même lui ne pouvait ignorer cela. Avec toute sa finesse, il prit la parole :

« Serait-il possible que vous vous connaissiez ? »

Question rhétorique, il était évident qu’ils se connaissaient, il cherchait juste à ramener l’attention sur lui, l’épée toujours à la main. Il avait lâché le poignet du faux homme, Eli en soit, lorsqu’il s’était arrêté face au peut-être futur combattant. Il continua de regarder l’échange silencieux qui se passait autour de lui, enfin à coté de lui puis soupira.

« Bon, se fut un plaisir de vous rencontrer mais nous sommes pressés. »

Il attrapa de nouveau le poignet d’Eli puis se mit à avancer vers « l’ami » de la presque-morte, oui que des surnoms sympathiques je sais… Evidemment se fut sans surprise qu’il se vit l’accès barré. Ca aurait été trop simple sinon. Cherchait-il à provoquer cet homme ? Voyons, la question ne se pose même pas. Nous parlons de Matt ici ! S’il ne le provoquait pas, ça voudrait dire qu’il serait malade. Or il était en pleine forme là. Il dévisagea un nouveau l’homme de haut en bas. « Robin ». C’était ce qu’il avait cru entendre sortir de la bouche d’Eli, bien que ça ne soit pas un son très puissant. Ca ne lui disait rien, enfin ce n’était pas comme s’il connaissait tous les hommes de Kingston et encore moins, comme s’il retenait tous les prénoms qu’il connaissait mais Robin ne lui disait vraiment rien. Il se renseignerait plus tard. Pour le moment, il devait se barrer et vite. Sa technique ne semblait pas placé sur la vitesse mais il comptait sur le fait qu’il ferait des fautes au combat une fois qu’il sera trop provoqué, ou bien au moins qu’il veuille faire la peau au capitaine et qu’Eli puisse se mettre à l’abri en attendant. Elle n’était pas en état de se battre et il n’était pas sur qu’elle fasse le poids de toute façon, face à lui. Matthew, lui, avait plus qu’une chance de le battre. Son habilité à l’épée serait une surprise fort désagréable pour son adversaire, si combat il y avait.

Soudain, il fouilla une de ses poches et, contre toute attente, en même temps, il faisait toujours des choses totalement surprenantes, il sortit une pièce d’or de sa poche. Un sourire en coin s’étendit sur son visage lorsqu’il lança la pièce à l’homme à l’épée.

« Tiens, tu pourras t’acheter des vêtements un peu moins troués, cela font « faux-pauvres ». »

Grand sourire de provocation. Il trouvait que cet homme tenait trop bien son épée pour être quelqu’un de la rue, il était bien placé pour le savoir c’était son cas aussi. Il la tenait d’une manière qui prouvait qu’on lui avait appris vraiment de la technique. Ce n’était pas de l’instinct ou quoique ce soit. En temps qu’escrimeur de mérite, il était aisé pour le pirate de remarquer cela. Voyons sa réaction, il était impatient de la voir mais il devait faire vite et enchainer les provocations dans un court instant mené plus facilement à une perte du sang-froid. Le combat à l’épée et la provocation. Deux arts dans lesquels Matthew était particulièrement doué.

« Sur ce, nous partons »

Il lui fit une révérence. LA révérence que l’on faisait aux riches demoiselles. Sincèrement, Robin intéressait Matt qui souhaitait, lui aussi, l’intriguait. De ce fait, il pourrait aussi laisser un peu la paix à Eli. Elle devait se remettre de ses émotions, autant physiquement que psychologiquement d’ailleurs. Elle était maigre, trop maigre au gout de Matt… Non pas qu’il préfère les grosses, rien à voir, il trouvait juste que ça montrait une mauvaise santé, ou en tout cas, une sous-alimentation.

La révérence finit, il reprit le délicat poignet de la vraie demoiselle et avança de nouveau, prêt à se faire attaquer à tous instants. Sa main s’était resserrée un peu sur son épée, prêt à parer le moindre coup qui arriverait qu’il soit porté sur lui ou sur Eli… Il n’attendait plus que cela.

Enjoy

Il était bien plus qu'évident qu'Eli n'était là que pour ajouter à cette lutte une légère touche de féminité ; un grain de grâce parmi tous ces mâles seulement occupés à essayer de prouver que leur virilité et leur vigueur est plus imposante que celle de leurs pairs. Mais oui, le rôle de la jeune femme s'arrêtait là. Bien incapable de soutenir le poids d'une épée et encore moins apte à faire face à un combat, elle se contentait d'offrir à ses assaillants un regard méprisant, les déconseillant silencieusement d'approcher, surveillant seulement les arrières de Matt qui, avec toute l'énergie dont il était capable, repoussait ses agresseurs. Quinn se sentit bientôt agrippé par le poignet et entraîné à la suite de son cher capitaine. Un geste qu'il aurait pu lui éviter en l'invitant simplement d'un "viens !" ; elle était amaigrie, amochée, sale et blessée, mais elle n'était pas encore sourde ! Grimaçant sous la douleur, elle suivit pourtant Kian sans faire d'histoire, le préservant d'une scène de ménage qu'en temps normal elle ne lui aurait pas épargné. Le moment n'était pas à la dispute et malgré la joie qu'éprouvait Elizabeth à retrouver son pirate de capitaine et cette envie qu'elle avait de rattraper le temps perdu en provoquant une querelle, elle se résigna à garder sa bouche close et s'accrocha fidèlement aux chausses de Matthew. Ce dernier semblait avoir trouvé une issu et se dirigeait résolument vers la sortie, traînant derrière lui une Eli claudicante et grimaçante. Presque euphorique, la jeune femme voyait le moment de sa délivrance approcher alors que la liberté se profilait doucement à l'horizon. Elle ne tarderait désormais plus à se retrouver en sécurité, certainement confiée aux bons soins d'une de ces femmes que Matt avait pu rencontrer le temps d'une nuit passionnée. Et si cette simple pensée l'aurait habituellement plongé dans une colère noire, elle réussie cette fois à passer outre et afficha seulement un visage presque réjoui.

Son enthousiasme ne dura pas cependant. Kian s'était arrêté net et Elizabeth manqua de lui rentrer dedans. Soudain curieuse, elle s'avança à la hauteur de son sauveteur et dévisagea la raison de son changement de comportement. Robin ! De nouveau, la peur et la colère envahirent son esprit tandis que l'envie de se jeter sur cet être abjecte flirtait avec son désir de s'échapper. Non... Elle voulait définitivement effacer cette présence de sa vie. Ce maudit aristocrate devait sortir de son existence et ne plus jamais oser y mettre les pieds. Inconsciemment, la jeune femme s'était rapprochée de Matthew ; sa main effleura la sienne et ce simple contact la réconforta. Elle n'était plus seule. Elle avait désormais un allié. Et un allié de taille ! Le pirate était certainement le meilleur escrimeur qu'il lui eu été donné de rencontrer et elle savait que, quoiqu'il arrive, il ne l'abandonnerait pas. Elle savait que Matt n'aurait de cesse de vouloir la mettre en sécurité et n'arrêterait le combat que lorsqu'ils auraient tous deux retrouvé la liberté. Mais Quinn savait aussi qui leur faisait face et un profond malaise s'empara de ses entrailles. Elle ne voulait pas que Kian rencontre Robin. Elle aurait tout donné pour éviter cette confrontation... D'un côté, elle ne pouvait s'empêcher de craindre pour la vie de son capitaine, aussi doué soit-il... Robin lui avait prouvé qu'il était plein de ressources. Et si Matthew devait perdre la vie, elle ne s'en remettrait pas. Et d'un autre côté... Elle avait peur que le pirate lui vole sa vengeance. La vie de Robin lui appartenait et elle ne permettrait pas que quiconque vienne se mettre en travers de son chemin. Oui, elle s'était promis que, dès ses forces retrouvées, elle partirait à la recherche de cet homme infâme pour lui faire regretter le jour où il s'en était pris à elle. Et Elizabeth savait que si un combat venait à s'engager entre les deux hommes, ce qui semblait presque inévitable, et que Kian prenait la vie de Robin, alors elle risquait fort de se montrer particulièrement injuste envers l'homme qui lui aurait sauvé la vie à deux reprises en l'espace de dix minutes.

Évidemment, Matthew ne manqua pas de remarquer le regard qu'Eli posa sur l' ''inconnu". Un regard qui ne laissait aucune place au doute et trahissait son désir de voir crever ce misérable rat. Et, tout aussi évidemment, tout à fait fidèle à lui-même, Kian ne manqua pas non plus de provoquer ouvertement cet homme qui ne semblait pas du tout prêt à les laisser passer. Provocations qu'Eli n'accueillit pas vraiment d'un bon oeil, sachant à quel point celui auquel elles étaient destinées pouvait être dangereux. Silencieuse, elle s'interdit pourtant d'intervenir, préférant ne pas déconcentrer l'homme auquel elle devait la vie. Un silence qui fut pourtant mis à rude épreuve quand le pirate l'empoigna une nouvelle fois par le poignet. Quelle était donc cette nouvelle habitude ? Incapable de se soumettre plus longtemps à cette emprise que Kian tenait à avoir sur elle et qu'il considérait certainement comme une main secourante, Elizabeth se dégagea d'un geste brusque. Et, continuant à marcher auprès de son capitaine, elle ne pu retenir ces quelques paroles qu'elle prononça dans un souffle sans même chercher à les dissimuler aux oreilles de Robin.

- Kian, cet homme est à moi, tâche de t'en souvenir.

Droit, fier, il ne dû pas attendre bien longtemps avant d’entendre des pas rapides et d’apercevoir leurs responsables. Ils apparurent brusquement au détour d’une ruelle et ne semblaient pas l’avoir remarqué tout de suite. Serrant un peu plus la garde de son épée, Edward sentait la détermination et la haine grandir peu à peu. Il le voyait. Il était juste là, dans son champ de vision, celui qui devait être mort à cette heure. Edward peinait à mettre de l’ordre dans sa tête quand au sauvetage improvisé d’Eli. Il ne comprenait pas. La vision de ce pauvre valet dans ses rues avait été marquée en majuscule au fer rouge « IMPOSSIBLE » dans le cerveau de notre aristocrate. Impossible mais pourtant c’était le cas. Au final, peut-être qu’Edward aurait préféré la visite de son fantôme. Mais qui était ce pirate à côté de lui ? Décidemment, prit par une impulsivité nouvelle, Edward avait vraiment mal fait son travail avec Eli et n’avait pas prit assez de précaution. Ce n’était pas normal qu’il n’ait pas prit connaissance de l’existence de ce tatoué qui se croyait tout puissant. Oser défier la garde aussi ouvertement et devant la cour royal en plus, ce n’était pas donné à tout le monde et le travail d’Edward était également de repérer ces personnes. C’est pourquoi, une fois sa faiblesse surmonté, une fois qu’il aurait réussi à quitter le regard d’Eli, il pourrait s’intéresser à ce nouveau personnage qui serait sans doute mis en tête de liste dans sa collection. Enfin … s’il ne l’avait pas tué avant … pour l’instant, la haine dominait largement face à l’ambition. Toujours est-il que la confrontation devait se faire et elle se fit. N’arrivant pas à se montrer objectif, faisant une nouvelle fois l’erreur de ne pas regarder les choses dans leur contexte mais de ne s’intéresser qu’à une partie, Edward affronta silencieusement Eli du regard, ne faisant même pas attention aux paroles de son ami sur l’idée d’une précédente rencontre. Il en faudrait plus pour qu’Edward dépasse cette furieuse envie de vengeance. Sans dévier le regard une seule fois, alors que les deux protagonistes s’approchaient de lui afin de le dépasser, Edward, d’un geste facile, sans besoin de contrôle, leur barra la route avec son épée. C’est après coup qu’Edward daigna poser son regard sur sa nouvelle proie. En un coup d’œil, il se fit une description détaillé de ce nouveau personnage, description qu’il garderait en mémoire pour son prochain plan d’attaque.

Ca ne va pas être possible. Vous allez devoir annuler vos plans, je le crains.

Edward observa alors son nouvel adversaire fouiller une de ses poches. Qu’allait-il en sortir ? Sans se donner la peine d’un seul mouvement, Edward se tenait sur ses gardes. Il en avait vu des choses, il en avait vécu des expériences dans ce bas-peuple. C’est pourquoi, il s’attendait à tout. Que les pauvres pouvaient se montrer créatifs et désespérés quand ils le voulaient … Cependant, aucun danger ne semblait sortir de cette poche, vu que seule une pièce d’or se trouvait dans les mains de son propriétaire. La pièce jetée sans sa direction, d’un simple mouvement rapide et économique, Edward la renvoya sur le côté avec la lame de son épée. Comment avait-il pu comprendre aussi … ? Il n’y avait qu’une seule possibilité, sachant que la surprise dans les traits du pirate semblait avouer qu’Eli n’avait pas encore eut le temps de lui parler de son bourreau. Le secret d’Eli semblait donc être un secret partagé. Décidemment, il n’en venait pas à bout des surprises. Ces dernières semaines avaient été riches de nouveaux horizons. Déjà que la situation d’Eli lui paraissait improbable, unique, et voilà qu’il en découvrait un second. Toutes ses croyances s’en voyaient ainsi troublées. Edward, aurait dû, si il désirait garder sa véritable identité secrète, prétendre s’intéresser à cette pièce, mais, de tous les sacrifices qu’il avait dû faire pour se créer son personnage, celui-ci était de loin le plus dur à accepter, il ne pouvait pas le faire, pas devant Eli. Surtout que le pirate montrait une telle assurance … Rien était sûr que jouer la comédie puisse être suffisant et Edward n’était pas homme à agir pour des peut-être. Il ne put donc s’empêcher de froncer un peu plus les sourcils avant de récupérer toute sa superbe. Il le fallait bien, ses deux invités avaient l’intention de lui fausser compagnie et ça, Edward ne l’accepterait pas. Il soupira alors fasse à la énième provocation de son futur corsaire qui était de lui faire la révérence, ne se gênant pas d’insinuer une féminité cachée de notre bras droit du gouverneur. Sans même s’intéresser aux paroles furtives d’Eli, Edward profitant de leur brève discussion où l’attention ne lui était pas consacré, sortit le poignard qu’il gardait toujours sur lui, peu importe le déguisement et le lança sans ménagement vers celui qui avait détruit sa vengeance, réduit à néant son plaisir de voir le corps d’Eli inerte – une seconde fois (hihi) – éloigné encore un peu plus son état de sérénité après un problème résolu. Vérifions l’hypothèse d’un secret partagé. Le poignard, dont la trajectoire avait été parfaitement définit, avait pour ordre de se planter tout droit vers le cœur de sa cible. Cependant, sa course n’arriva pas à terme se trouvant face à un obstacle de taille.

Je répète, ça ne va pas être possible.

Ce Kian, d’après les dire d’Eli, avait su, avec une habilité déconcertante, empêcher le coup mortel de l’atteindre. Sans montrer un seul signe de surprise, Edward dû admettre que sa nouvelle appréhension avait été justifiée. En effet, si son adversaire possédait le même secret qu’Eli, alors il avait dû être élevé dans les mêmes mœurs que notre Griffith. Cela signifiait donc que son éducation n’était pas à critiquer. Vu sa dextérité, Edward avait de quoi abandonner son premier préjugé. Peu importe, un sourire reprit alors fièrement sa place sur les lèvres de notre arrogant bourgeois. Il n’allait pas se laisser impressionner aussi facilement et il prouverait à son tour qu’il en avait en réserve.

Alors dites-moi … que fait une bande de pirate dans les alentours, risquant leur vie pour sauver …

Il laissa un moment d’hésitation et reporta son attention sur Eli. Essayait-il de se montrer créatif ?

… Ce cadavre ? Continua-t-il d’un ton dédaigneux. Vous imaginez bien que vous ne vous en sortirez pas aussi facilement … sinon c’est que votre bêtise est plus importante que je ne le pensais. Au fait, reprit-il d’un ton léger en direction d’Eli, ça a l’air d’aller ! Pendant un moment j’ai cru que tu étais mort. J’aurais été déçu de perdre tout espoir de te pendre un jour. Jour qui ne serait tarder d’ailleurs … Peut-être que la seule chose que tu désirais, c’était un peu de compagnie … Soit, je suis un homme de cœur et je te l’accorde. Si tel est ton désir, tu auras le privilège d’être pendu avec tes amis. La plupart doivent déjà être arrêté à l’heure qu’il est … mais bizarrement, tu sembles préférer celui-ci … Kian, c’est ça ? Etrange que nous ne nous soyons pas rencontré plus tôt, vu votre peu d’intérêt à cacher votre dévouement pour la piraterie.

D’allure toujours aussi fière que quelques minutes avant, Edward n’avait pas l’intention de quitter son poste et tiendrait le barrage coûte que coûte. Son attention portée à son épée, bien que camouflée, était toujours aussi présente et hantait son esprit. De qui s’occuperait-il d’abord ? Il n’y avait pas longtemps à gamberger. Eli, trop faible, n’était plus que la cerise sur le gâteau que l’on met sur le côté, se gardant le meilleur pour la fin. Le meilleur, mais aussi le plus facile à manger.

Alors que Matt continuait d’avancer tranquillement, il sourit en coin en entendant la phrase d’Eli et hocha la tête. C’était noté. Il ne le tuera pas. Il lui laisserait cet honneur, bien que de toute façon il ne compte pas le tuer. Certes, Matthew était un pirate mais il n’aimait pas ôter la vie. C’était un pirate civilisé… et surtout étrange mais passons ce léger détail. A peine avait-il eu le temps de l’entendre qu’un sifflement et un mouvement venant de sa droite l’interpella. Robin avait lancé son poignard droit sur lui, sur son cœur et il devait admettre que c’était extrêmement bien visé… s’il n’avait pas eu un bon reflexe et déviait l’arme avec sa lame.

« Pfiou ! C’était juste ! Bien visé ! »

Une vraie pipelette, il n’était pas capable de retenir ce genre de commentaire… Il disait que c’était juste, mais son geste avait parfaitement déviait l’arme, dont il s’était désintéressé presque aussitôt qu’elle toucha le sol.

Sinon, le Robin avait beau parler, Matt s’en foutait royalement et ignorait ses « Ca ne va pas être possible ». Etait-il capable seulement de ça ? Donner des ‘ordres’ et lancer un poignard ? Le capitaine était fort déçu. Il s’attendait à un adversaire de taille, vu qu’il avait réussi à faire pendre Eli. Enfin, il ne pouvait pas non plus nier le fait que le lancer avait été magnifiquement effectué et que cet homme était donc un adversaire à ne pas trop prendre à la légère. Le sourire du l’assassin raté fit surface sur son visage et contamina celui de Kian, bien qu’il ne sourît d’une façon plus amusée. Il écouta sa tirade avec un air distrait. D’ailleurs, ça l’ennuyait tellement qu’il était en train de regarder ses ongles et de les nettoyer avec le pointe de son épée ! De toute façon, elle ne lui était pas destinée mais s’adressait bien à Eli. Il faisait mine de ne pas écouter mais il écoutait avec attention en vérité. Il voulait en savoir plus. Il remarqua qu’il lui parlait et le va la tête vers lui.

« Vous me parliez ? Désolé, je n’écoutais pas. Pourriez-vous répéter ? »

Pure provocation. A croire qu’il ne savait faire que ça mais cet homme lui donner envie de l’emmerder profondément. Il était responsable de l’état d’Eli aussi mais cela ne donnait pas des envies de vengeance à Matt, enfin si mais pas sous la forme d’une haine incontrôlée et destructrice. Plus sous la forme de ces provocations. Il voulait le battre en duel en vérité. Matt était un pirate d’honneur, un des seuls surement. Finalement il daigna lui répondre avec un petit rire et un geste presque amical.

« Je plaisante bien sur ! Qui ne ferait pas attention à ce genre de discours ? Si tu penses qu’ils sont arrêtés, je suis au regret de t’annoncer que tu as de fortes chances de te tromper. Ce sont de bons combattants, meilleurs que la garde et surement meilleur que toi aussi. Je trouve aussi très regrettable que nous ne nous soyons pas rencontré plus tôt, ça aurait peut-être évité ce genre de chose mais je suis sur que tu as entendu parler de moi ! Capitaine Matthew Kian, ca ne te dit rien ? Refléchis-y, pendant ce temps nous on y va ! »

Petit tirade, chacun son tour, c’était à Eli maintenant. Hum… bref, que dire de plus ? Matt s’amusait comme un petit fou. Il lui montrait en lui donnant son prénom & son nom qu’il n’avait pas du tout peur de lui, au contraire. On peut aussi remarquer qu’il était passé du « vous » qu’il utilisait par moquerie au « tu » qu’il utilise pas provocation. il était sur que cet homme était plus riche qu’il le montrait. Un vrai homme assez pauvre se serait laissé attirer par la pièce, ce n’était pas de la petit monnaie ! Il l’avait gracieusement volé à une vieille femme riche sur le port qui allait monter dans un navire, ce qu’il n’avait pas d’ailleurs, pour partir pour… Sincèrement, il ne savait pas et n’en avait cure. Il ne comptait pas la rembourser et le temps qu’elle s’en rende compte, il était déjà parti avec sa bourse dans la poche.

Fermons cette parenthèse. Matt voyait bien que le combat serait inévitable. Robin, il avait du mal avec le fait qu’il s’appelait ainsi d’ailleurs… Enfin, Robin donc, ne voulait clairement pas les laisser passer, coute que coute. Tout sourire, il ne le perdait pas lui, le pirate tint son épée correctement.

« Je suppose que le combat est inévitable. Je suis prêt, viens quand tu veux. »

Il lui laissa la première attaque mais avant qu’il n’ait le temps de dire quoique ce soit, il se souvint qu’il n’était pas seul et se tourna vers Eli, se laissant sans défense, ce qui bien sur était faux. Il n’était pas stupide au point de se laisser sans défense devant un ennemi, il voulait juste qu’il attaque en premier, il voulait voir sa technique.

« Eli, va te mettre à l’abri au dernier endroit où nous nous sommes vu. Ils sont prévenus et tu pourras te soigner. Il y a des bandages et tout ce qu’il faut là-bas. »

Il lui fit un clin d’œil. Par « bandages », il faisait référence à sa féminité et au fait qu’elle pourrait la cacher. C’était une métaphore en fait, ou en tout cas une figure de style particulière. Il ne restait plus qu’à ce Robin d’attaquer Matt et tout serait parfait. Ou du moins, comme il l’aurait prévu il y a quelques secondes. Il espérait juste qu’Eli ne ferait pas la tête de mule et voudra bien se rendre en lieu sur. Il espérait aussi qu’elle n’avait pas oublier leur denier lieu de rencontre…

Elizabeth retint un cri lorsque Robin lança son arme. Le projectile, dévié par la main nonchalante de Matthew, retomba pourtant mollement sur le sol de terre et resta là ; inerte ; tué par une lame qui n'avait fait que l'effleurer. Le cœur battant, un léger sourire illumina le visage creusé de la jeune femme alors que son capitaine se laissait une fois de plus à commenter le moindre geste de son adversaire. Décidément, s'il y en avait bien un qui ne changeait pas, et ce quelque soit les événements, c'était bien Matthew Kian. Ce maître de la condescendance ; ce dieu de la dérision ; fascinant, arrogant et ô combien attrayant. Il semblait que rien ne pouvait détruire ce sourire qu'il affichait constamment. Un sourire ancré sur son magnifique visage ; un sourire qu'Eli n'avait vu disparaître qu'à de très rares occasions. Le soudain enchantement de Quinn disparu très vite pourtant, alors que la détestable voix de son bourreau résonnait désagréablement à ses oreilles. Robin, le téméraire. Robin, le beau-parleur. Quel beau trio ils faisaient tous les trois ! Elizabeth en venait même à se demander pourquoi ils étaient là, chacun une épée à la main, occupés à s'envoyer des horreurs en plein visage, alors que tout semblaient les réunir. Tout ? Pas vraiment, non... Là était bien le problème. Robin, le petit aristocrate prétentieux ; Matt, le pirate déjanté ; et Eli le je-ne-sais-quoi travesti. Quelle mixture désespérante ! En d'autres lieux et d'autres circonstances, ces trois là auraient pourtant pu s'entendre... Auraient pu, oui...

De nouveau parti dans une longue tirade dégoulinante d'orgueil et de prétention, Elizabeth ne pu que fixer ton tortionnaire avec un mépris profond. Il fut un temps où de tels propos l'auraient doucement fait sourire, mais elle ne supportait plus ni ce visage, ni cette voix, ni ce rictus que l'aristocrate empruntait dès qu'il ouvrait son immonde petite bouche. Trop, s'en était trop. Elle avait besoin de faire une pause de Robin ; de l'oublier un peu ; de ruminer tranquillement sa vengeance sans avoir à supporter la vision de cet être abjecte. Détournant momentanément le regard de l'auteur de sa nausée, Eli préféra la douce vision de Kian qui... Souriait ! Surprenant, n'est-ce pas ? Loin de se laisser intimider par le parler de son adversaire, celui-ci se contenta d'enchaîner avec sa propre tirade, prouvant très inutilement que, lui aussi, savait parler. Avec un petit soupir d'exaspération, Quinn attendit patiemment que son capitaine ai terminé son numéro et se décide enfin à attaquer. Plus vite il attaquerait, plus vite elle se retrouverait au chaud à avaler un bol de soupe qui lui réchaufferait les sens. Mais ce très cher pirate semblait mettre un point d'honneur à laisser Robin attaquer le premier. Nouveau soupir de la part d'Eli... A ce train là, tous trois seraient encore là au lendemain. Puis, alors même que la jeune femme se préparait à intervenir pour mettre fin à ce petit jeu des plus mesquins, Kian lui fit un nouvel affront, l'invitant à quitter les lieux pour se mettre en sécurité.

Stupide pirate imbécile ! Offensée, Elizabeth fusilla son capitaine du regard. Celle-ci était peut-être amaigrie et blessée, mais elle ne changeait pas. Elle restait encore ce tissu de contradiction que Kian connaissait bien. Encore. Toujours. Inlassablement. Oui, elle ne rêvait que d'une bonne toilette, d'un délicieux repas et d'une longue nuit de sommeil. Oui, elle ne désirait que quitter ce lieu au plus vite et regagner un endroit sûr. Et pourtant, alors même que Matt lui proposait si délicatement de se mettre à l'abri ; alors même qu'elle savait qu'elle le gênerait plus qu'autre chose, elle répugnait de le laisser seul. Non pas qu'elle doute de ses capacités à terrasser cet insupportable morveux, loin de là. Mais elle, Elizabeth Quinn, ne pouvait envisager de fuir le combat. Certes, si combat il y avait, elle ne servirait à rien. Mais au moins, elle serait là et c'était tout ce qui comptait. Froissée donc, elle posa sur l'homme qu'elle aimait un regard assassin avant de parler à son tour, imposant le silence à ces deux hommes un peu trop bavards.

- Partir ? Je crois pas, Kian, non... Instantanément, le regard faible de la jeune femme retourna se poser sur l'homme responsable de son état et lui lança avec tout le mépris dont elle était capable, d'une voix forte, ignorant faiblesse et douleur ; comme si parler lui offrait un sursaut d'énergie. Premièrement, petit aristocrate prétentieux... Tu n'as pas la moindre idée de ce à quoi tu t'attaques. Tu n'as aucune chance contre, Kian... Mais bon, ton arrogance voudra très certainement vérifier mes dires par elle-même. C'est tout à ton honneur, fais-toi plaisir. Te regarder souffrir sous la lame d'un pirate me procurera une satisfaction qui promet d'être intense. Les lèvres d'Elizabeth s'étirèrent en un discret rictus, alors qu'elle prenait une seconde pour reprendre son souffle. Et deuxièmement... Si j'en juge par ces oripeaux que tu portes si fièrement, tu sembles mettre un point d'honneur à dissimuler ce que tu es vraiment. C'est parfait. Dans ce cas, tu as plutôt intérêt à nous tuer tous les deux, sans quoi ton petit secret sera très vite dévoilé. Tu as pu le constater, Kian a la langue très bien pendue. Elizabeth avait mis un point d'honneur à accentuer le "ton", intimant inutilement à Matt de ne faire aucune bavure quant à sa féminité cachée et, par la même occasion, rappelant sournoisement à ce misérable aristocrate qu'il en était toujours au même point quant à son secret. Pauvre Robin... Tout autant incapable de découvrir une vérité pourtant évidente que d'assassiner celle qui en était la détentrice. Pauvre homme ; il aura donc tout raté dans la vie...

Loin de s'en tenir à ses simples paroles, la jeune femme jeta un regard à Matt, puis à Robin, poussa un imperceptible soupire et continua sur sa lancée.

- De vrais gentlemen, dites-moi ! Quand vous aurez terminé vos galanteries, peut-être pourrons-nous commencer ? Accompagnant le geste à la parole, agissant comme la digne impulsive qu'elle était, Elizabeth se jeta sur Robin, l'épée brandie. Bien sûr, elle ne se faisait pas d'illusions... Il suffirait à l'aristocrate de parer son attaque pour qu'elle se retrouve au sol. Elle savait qu'elle ne pourrait porter à son adversaire qu'un seul et unique coup avant de se retrouver hors d'état de nuire. Peu lui importait. Matt serait là pour prendre le relais ; sa confiance en lui était total. Non, tout ce qu'elle désirait, c'était aider un peu ses charmants messieurs à se décider. De vrais hommes... Incapables de faire un choix. Luttant perceptiblement contre la douleur qui lui transperçait le bas du dos, Eli se retrouva bientôt sur son adversaire, prête à lui porter un coup qui serait loin de lui être fatal et qu'il parviendrait certainement à esquiver le plus facilement du monde.

Alors qu’un combat continuait de faire rage devant les portes de la prison, d’où la non présence de gardes autour de notre aristocrate, ici, l’ambiance était d’un autre genre. D’après les sourires, l’humour et quelques jeux taquins, l’humeur semblait plus festive. Bien sûr, il fallait mettre de côtés les provocations, tentatives de meurtre et la haine qui s’immisçait chacun des regards et des dialogues. Car oui, en dépit de toutes ces festivités, Edward ne rigolait pas. Cette histoire devait se terminer et elle se terminera, coûte que coûte. Après avoir mis les points sur les « i », prévenant de manière galante à ses deux compagnons le triste sort qui les attendait, Edward soupira face à la réplique lâche et vulgaire de son adversaire. Ignorer les attaques ne montrait qu’un défaut de créativité. Heureusement pour lui, il changea très vite de stratégie pour offrir à Edward une réponse qui ne manquait pas d’humour et de légèreté. Par contre, tout ce qu’il disait n’était pas que plaisanterie. Il n’était pas dur de convaincre Edward que la garde royal n’était pas des plus efficaces et il était vrai de dire que ce dernier avait peu d’espoir de découvrir quelques prisonniers à son retour. De toute façon, il n’en avait que faire de ces inconnus. Lui, il voulait les deux spécimens qu’il avait en face de lui et il avait tout de même encore l’optimisme que certains soldats ne mettraient pas trop longtemps avant de le rejoindre.

Alors qu’Edward ne s’était pas encore accordé le loisir d’un sourire, il ne put retenir un élan de satisfaction lorsque son adversaire révéla son identité. Une preuve que son secret n’avait pas encore été découvert. Connaitre le nom et prénom du fugitif aidé considérablement aux recherches, si recherches il devait y avoir - Edward n’avait pas encore était écarté du chemin. Néanmoins, il avait la consolation de savoir que retrouver ce « capitaine » ne serait pas si difficile que ça. Le sourire encore aux lèvres, son adversaire l’invita à ouvrir le bal. Soit, les pirates ne peuvent pas tous se montrer courageux et téméraires. Parfois, ils avaient besoin qu’on leur ouvre la marche et Edward ne comptait pas se laisser prier. Empoignant son épée correctement à l’idée d’un combat imminent, il fut cependant coupé dans son élan lorsque Matthew se retourna vers Eli. Ses paroles surprirent alors notre aristocrate. Lui qui s’était fait une opinion sur le personnage, il ne se serait jamais imaginé que ce gringalet de « valet »pouvait se montrer soumis envers quelqu’un. Aurait-il encore eu tout faux sur la ligne ? C’était pourtant un point sur lequel il y aurait parié sa vie. Curieux, son regard se posa alors sur Eli, prêt à agir si celui-ci avait l’intention de lui échapper. Sur ses gardes, ses muscles se décrispèrent en réaction au soulagement qui envahit son corps. Le visage meurtrier qu’Eli réservait à son sauveur en disait long sur la victoire d’Edward face à son pari. Eli se mit alors à sortir de son état végétatif pour essayer de s’imposer. Le sourire aux lèvres, Edward était presque content d‘abandonner les provocations puériles de Matthew pour les menaces haineuses d’Eli. Elles au moins le faisaient sourire. Edward le laissa alors déballer sa tirade par respect pour les retrouvailles. Cependant, le dernier point qu’il développa lui voila son sourire. Cette histoire de secret était devenue le sujet épineux qui relevait au grand jour la faiblesse dont avait fait preuve Edward lors de ce combat. Cela avait eu le don de rappeler à notre bras droit du gouverneur qu’il était grand temps que cette affaire se termine. Bouillonnant de l’intérieur, si Eli continuait comme ça, Edward allait avoir du mal à le garder comme dessert. Qu’il le garde son secret, Edward s’était maintenant intéressé à prendre sa vie.

C’est alors qu’Eli prit les choses en main et fonça le premier. Déterminé, impulsif, rageur et surtout débordant d’impatience, il fonça la tête la première sur Edward. Cela aura au moins eu le mérite de surprendre ce dernier. Il para le coup moins aisément qu’il ne l’aurait pu grâce à cet effet de surprise. Mais bon, de toute façon, le résultat restait le même. Alors qu’Eli se rapprochait dangereusement, il lui suffit alors de se décaler légèrement sur la droite, de cogner son épée contre celle d’Eli et, profitant d’une partie de son corps sans protection, de l’attraper par l’épaule pour l’amener vers lui afin de se mettre hors de danger. Il l’empoigna alors de manière à avoir son visage pratiquement collé contre le sien, son épée interdisant toute tentative de contre-attaque. Edward profita alors de ce moment d’intimité avec son adversaire pour imposer sa façon de penser.

Apparemment cette semaine au cachot ne t’auras pas fait tant de bien que ça, commença-t-il d’une voix murmuré mais qui se voulait piquante. Je suis sûr qu’une semaine de plus inversera la tendance. Evite donc de réclamer mon épée à l’intérieur de tes entrailles, je n’ai pas encore finit de jouer avec toi.

En colère mais surtout frustré de s’interdire de commettre son premier meurtre dans la seconde qui suivait, il relâcha brusquement l’emprise de son épée sur celle d’Eli, d’une violence qui fit perdre l’équilibre de ce dernier, et lui entailla la main afin de lui faire lâcher son arme. Retrouvant un peu de sa superbe, réussissant à mettre sa haine destructrice sur le côté, Edward se tourna alors vers Matt la patate (gros craquage uu), la pointe de l’épée en direction d’Eli.

Alors, tu ne viens pas défendre ton ami ? Il est là, devant moi, l’arme à terre. Il pourrait lui arriver n’importe quoi ! Je croyais que tu étais venu pour lui sauver la vie, je vois que tu ne fais pas très bien ton travail.

Tout en gardant un œil sur Eli, prêt à riposter s’il tentait ne serait-ce que de récupérer son épée, Edward provoqua Matt la patate du regard.

Matthew avait regardé Eli se ruait sur le ‘Robin’ avec un soupire désespéré, écouterait-elle ce qu’il lui disait un jour ? Surement que non, cette travesti était tellement têtue et orgueilleuse qu’il ne réussirait surement jamais à lui faire entendre raison. Sans surprise, elle se fit envoyer à terre. Au moins, il voyait un peu le niveau de son adversaire qui visiblement n’était pas mauvais. Le fait qu’il parle à Eli n’avait pas échappé au pirate, bien qu’il ne puisse entendre de là où il se trouvait. Par reflexe, il avait d’ailleurs avancé au cas où leur ennemi serait pris de pulsions assassines envers sa chère Eli. Il fut vite fixé cependant en le voyant se tourner vers lui. Un sourire éclaira son visage.

« Il me semble pourtant que j’ai avancé. Cela t’aurait-il échappé ? Il faut rester concentré tu sais, la haine rend aveugle. Regarde où cela à mener celui-là. »

Il montra d’un geste de la main Eli, sur le sol qui dévisageait toujours son supposé tueur. Matt ne savait pas ce qu’il lui avait fait et sa curiosité était piquée au vif. En même temps, il était quelque inquiet et cela l’énervait que l’homme qui lui faisait face, arme en main s’en ai pris à elle. Il avait bien compris que son adversaire ne connaissait pas le sexe de la jeune femme mais ça ne l’empêchait pas de s’énerver légèrement. D’ailleurs, à cette pensée, il fronça les sourcils. Le Robin pourrait penser qu’il se concentre enfin, prêt à passer à l’action mais quelqu’un qui le connaissait plus que cela saurait que ce n’était pas par concentration qu’il faisait cela. Eli comprendrait qu’il s’énerve un peu. Kian n’était pas du genre à péter un câble.

Doucement, il fit un pas vers le faux pauvre.

« J’ouvre la danse puisque tu n’as pas l’air d’être prêt à le faire »

A peine eut-il dit cette petite pique qu’il se jeta sur lui. Ca n’avait rien à voir avec l’attaque pleine de haine et totalement vaine de la travestie avant. C’était précis et rapide. Il couvrit vite la distance qu’il les séparait, ils n’étaient pas à des kilomètres l’un de l’autre en même temps, et le premier contact fut fait. Le chant des deux lames venait de sonner sa première note. Matthew souleva son sourcil avec un air ironique en murmurant à l’homme :

« Pas mal, rien à redire pour l’instant, j’attends la suite ~ »

Il ne se fit pas prier et tout se déroula très vite. Il parait à droite, attaquait à gauche, et ainsi de suite. En même temps, il lâchait des petits commentaires sur son jeu tel un professeur qui entrainerait son élève. Il avait toujours fait cela avec ses adversaires et le ferait surement toujours. D’un coté, si celui qui se battait contre lui était intelligent, il écouterait ses conseils et saurait qu’ils sont utiles, d’un autre, s’il était trop orgueilleux, il ne voudrait pas le faire et ne voudrait pas admettre que le capitaine avait raison. Matt se foutait royalement de ce qu’ils en feraient, il cherchait juste à les énerver.

Ce petit manège dura quelques instants. Le pirate jouait un peu avec celui qui se faisait passer pour un pauvre puis il décida de s’y mettre sérieusement. Si la garde arrivait, il aurait du mal à les battre tous. Il n’était pas non plus un surhomme. Cette fois-ci le signe qui s’afficha sur son visage signifiait bien qu’il devenait sérieux. Il pinça ses lèvres et mordit doucement sa lèvre inférieure avant de se battre de façon bien plus offensive. Il avait cerné le jeu de son adversaire. Il pouvait le battre maintenant. Il ne sortirait pas intacte non plus mais il gagnerait pour sur.

Au fur et à mesure qu’il faisait reculer l’ennemi de son amie contre un mur, et accessoirement l’éloignait de cette dernière, il sentait de plus en plus la lame de son poignard caché dans son pantalon. Devrait-il l’utiliser ? Il n’adorait pas trop tricher mais cela simplifierait bien les choses. Il n’y réfléchit pas si longtemps. Les bruits de bataille se faisaient de moins en moins forts à l’intérieur alors il laissait une ouverture pas trop évidente à son adversaire. Il se ferait un peu couper le flanc droit. Rien de très grave. Ca guérirait vite, il avait vu pire. Lorsqu’il sentit l’entaille se faire dans sa peau, de sa main gauche, il attrapa le poignard et le posa sur le cou du Robin. De son autre main, il glissait la lame de son épée entre le manche du faux pauvre pour lui ouvrir la main et lui faire perdre la sienne. Il avait réussi à le mettre dos au mur. C’était parfait. Il dominait la situation.

« Désolé, je suis pressé. La prochaine fois, on se la fera plus fairplay. »

Il lui fit un clin d’œil et commença une petite entaille sur le cou de son ennemi pour qu’il ne soit pas tenté de bouger de sa position. De toute façon, il était désarmé maintenant. Matthew avait clairement entendu la lame tombait sur le sol après qu'il lui ai ouvert la paume de la main. Il avait voulu le rendre incapable de combattre avec une épée pendant quelques temps, histoire qu'ils puissent s'enfuir tranquillement avec l'ex-pendue. C’était aussi une petite vengeance pour ce qu’il avait fait à Eli. D’ailleurs, il appela cette dernière :

« Eli ! Trouve de quoi l’attacher ! On va le laisser ici, tu le tueras une autre fois, la garde arrive. »

En effet, il n’entendait plus de bruit venant du fort et si cet homme avait vraiment réussi à condamner Eli à la potence, il devait être plus important qu’il ne voulait le laisser croire. Son style à l’épée avait ramené des souvenirs à Matt. Ca faisait longtemps qu’il n’avait pas combattu contre un noble, contre quelqu’un avec un style proche du sien…